Syntec RP a tenu le 27 novembre une conférence à l’ESCP-EAP pour traiter de l’impact de l’opinion publique sur la valeur des marques. Voici le résumé des interventions de cette journée.
Intervention de François NICOLON, Directeur marketing international, TNS MEDIA INTELLIGENCE
Souvent TNS Media Intelligence reçoit des demandes d’analyse lorsqu’il y a des difficultés. Ainsi les entreprises en ressentent plus le besoin lorsqu’il y a destruction de valeur que lors de création de valeur. Notre travail consiste pourtant à travailler sur les impacts positifs et négatifs.
Face à l’opinion, il y a une alternative pour les marques :
– Faire face à l’opinion
- Northern Rock avec la crise des subprimes en Angleterre
- Gap sur le travail des enfants
– Surfer sur l’opinion
- Strivectin qui s’est développé grâce au bouche à oreille
- TGV soutenu par les médias et l’opinion française
- Michel et Augustin soutenu par un buzz médiatique
La relation traditionnelle Marque/Consommateur peut se schématiser ainsi :
Aujourd’hui on est plus dans le schéma suivant :
A terme, on devrait s’orienter plutôt vers le schéma suivant :
On se rend compte que les préoccupations des Français sont très économiques. De son côté la marque à une pression croissante de l’opinion avec les médias contributifs (web 2.0). Il faut cependant garder en tête l’audience et l’influence de chacun des médias contributifs pour réellement agir et avoir une vraie mesure. Un décryptage de la blogosphère et des médias sociaux plus actifs et vivants que les blogs (forum,…) est d’ailleurs effectué par TNS Media Intelligence.
La question qui nous intéressera donc : comment la marque peut s’adapter aux valeurs de l’opinion ?
Intervention d’Alexis KARKLINS-MARCHAY, Associé transaction advisory services, Ernst&Young
C’est plus le regard de la profession comptable et financière que j’apporte.
Aujourd’hui il y a une vraie valeur immatérielle. Elle pèse environ 60% dans l’entreprise.
Cependant, il faut un contexte transactionnel (rachat de marque ou autres transactions) pour capitaliser les actifs incorporels (marque,…). Ainsi le bilan d’une entreprise ne détermine pas la valeur des marques sauf si des transactions ont eu lieu.
Il existe plusieurs types d’actifs incorporels :
- Marketing (marque,…)
- Techno (brevets,…)
- Clientèle (base de donnée client,…)
- Contrat
- Artistique
Il n’y a donc pas que les marques lorsque l’on parle d’actifs incorporels. Il faut d’ailleurs noter que sur 430 transactions, la marque arrive en 2ème position derrière la base clientèle. EX : Danone (Marque) – Sanofi-Aventis (Techno avec les brevets et Marque avec le Doliprane) – Veolia (Contrats) – Valeo (Techno grâce à la relation client)
Chaque actif incorporel se nourrit les uns des autres.
La question est de savoir où apparaît l’opinion :
- Souvent l’opinion est associée au vide, au vent, à la vitesse plus qu’à l’analyse.
- L’évaluation financière est, quant à elle, associée à quelquechose de fixe, de scientifique (bien qu’elle ne le soit pas), de mathématique.
Dans la réalité, on est amené à évaluer des actifs incorporels par la méthode de flux revenus actualisé (cash flow).
- L’opinion influence le CA, la valorisation financière future mais c’est également un élément de risque qui doit être intégrée dans l’évaluation financière par actualisation avec la nécessité d’analyse de rentabilité de la marque.
- 3 mots-clefs : croissance / rentabilité / risque.
Il faut souligner que l’évaluation n’a pas de vocation scientifique donc on ne peut évaluer une marque qu’à un instant donné avec les éléments connus.
Intervention d’Alexandre de COUPIGNY, Directeur évaluation des marques, Interbrand
« Le management par la marque et la valeur »
Une marque bien managée permet un bon retour sur rentabilité et donc une opinion positive.
L’opinion est partout
C’est la valeur qui permet d’étendre son territoire et de résister/dépasser l’opinion. Le management par la marque construit un territoire, modifie le positionnement, joue avec ses codes, négocie ces partenariats.
Intervention de Jean-Pierre BEAUDOIN, Directeur général, I&E – Vice-Président, Syntec RP
L’opinion combien et comment ? L’expert-comptable comme l’a souligné Alexis KARKLINS-MARCHAY qu’avec les constats.
Il y a dans la société des phénomènes précurseurs, potentiels de marques.
« La résistible économie de l’opinion ? »
- Il y a un duel entre logique de société et logique de marché. La société impose de plus en plus ses valeurs (éthique, écologiques, sociales) aux marchés .
- L’opinion est un levier utilisé par les militants pour promouvoir une logique de société contre les logiques de marché.
- Les marques transforment des valeurs de société en valeurs sur les marchés (produits verts, commerce équitable,…).
« Les moments de l’opinion »
- La valeur est évidente à des moments clefs de la vie de la marque : entrée sur un marché, sortie du marché, évènements de parcours (accidents, innovation).
- La valeur opinion est en permanence sous jacente et ses coefficients se multiplient).
- La relation des marques à la société s’est inversée : les marques déterminent moins les modes de vie que les modes de vie déterminent les marques (la publicité veut être sa propre norme).
« Evolution de l’opinion »
- La plus forte valeur des marques est dans la mise en œuvre d’affinités entre une offre et une société (ou toute société).
- Le travail avec l’opinion est déterminant pour la pérennité de la valeur des marques.
- L’opinion est le plus fort vecteur de création de valeur dans les marchés à fort pouvoir d’achat.
⇨ Si l’opinion est précurseur de cette valeur alors la compréhension de l’opinion et la création d’affinité doivent être le plus important.
Intervention de Laurent SACCHI, Directeur de la Communication, Groupe Danone
« L’expérience de la grande consommation »
Chez Danone, on a appris qu’il fallait gérer l’opinion. C’est quelquechose de nouveau pour le Groupe Danone car auparavant celui-ci ne s’intéressait juste qu’aux individus beaucoup plus qu’aux opinions.
- Les marques peuvent être utilisées par le marchepieds médiatique des mouvements d’opinion : de l’art de détourner la notoriété.
- L’opinion est un nouvel instrument et une nouvelle arme de la guerre économique : de l’art de protéger son marché.
Comment s’adapter aux mouvements d’opinion ?
Il est facile de se dire que l’opinion c’est du vent en faisant du pur cynisme. Ainsi lorsqu’il y a eu des gros soucis avec Lu lors des licenciements, il n’y a pas eu d’influence sur la part de marché.
Cependant, il est important de prendre en compte l’opinion. Cela se fait à plusieurs niveaux :
- Prise en compte du citoyen dans la communication. Cela passe par la création publicitaire « sous contrôle » (vérifier le message de sécurité dans les pubs, les valeurs morales,…)
- Prise en compte du mouvement consumériste et sa transition vers la défense de l’utilité sociale de la marque et de nos produits. On ne dit plus seulement parce que c’est meilleur mais également parce que ça ne détruit pas ou autre (même si ce message reste minoritaire dans les pubs et est réservé à certains types de communication).
- Création et gestion de marque de grande consommation militantes. C’est le cas par exemple avec le rachat d’une marque militante aux Etats-Unis (qui se bat contre Bush, contre les 4X4…).
Intervention de Jean-Baptiste VOISIN, Directeur de la stratégie, LVMH
Deux exemples de l’importance de l’opinion :
– Effet négatif : SK2 était la 1ère marque sur son secteur en Chine jusqu’à septembre 2006 avec 15 à 17% de part de marché. En moins d’un mois elle a chuté pour arriver aujourd’hui à 2,5% de part de marché :
- 16 septembre 2006 : Publication en Chine d’ingrédients interdits dans la préparation de produits. Certains produits de SK2 en avaient dans leur fabrication.
- 21 septembre 2006 : des consommateurs demandent à SK2 des explications.
- 23 septembre 2006 : toujours pas de réponse.
- 25 septembre 2006 : SK2 se retire du marché.
L’information a circulé sur le net, mais cela n’a pas eu autant de répercussion. Ainsi en Corée, SK2 a connu une chute de 50% de sa part de marché tandis que celle-ci n’a été affectée nulle part ailleurs.
– Effet positif (et conscient de l’entreprise) : le développement de Carrefour en Colombie. Carrefour a un historique de qualité, de traçabilité de ses produits… En 2003, Carrefour n’a que 7 magasins en Colombie. Ils décident de signer des contrats locaux avec les cultivateurs. Ces derniers sont surpayés pour avoir plus de disponibilité produit pour Carrefour. La marque Carrefour a alors été perçue comme citoyenne par les habitants et par les autorités locales (maires,…). Ainsi l’implantation des Carrefour n’a eu de cesse d’augmenter en Colombie : 21 en 2005, 31 en 2006 et probablement 42 au terme de 2007.
Il y a eu clairement un développement de valeur initié consciemment par la marque, par le Groupe Carrefour.
Chez LVMH, on gère plus des processus, des relations,…Pour nous, la valeur de la marque est la conséquence d’un travail bien fait, la somme d’éléments qu’on fait bien.
La reconnaissance est un phénomène d’opinion sur tous les marchés dans la tête de nos consommateurs mais également autour de nos consommateurs.
Ceux qui nous achètent ne le font pas que pour un produit mais également en fonction de noter histoire, d’une expérience d’achat,…
Questions du public
- Que pensez-vous de l’influence dans le futur des types d’opinion 2.0 ?
Jean-Pierre Beaudoin : La liberté est un risque qu’il faut prendre et le discernement est une vertu. On va revenir à une situation où chacun va redevenir responsable de lui-même.
Laurent Sacchi : Je ne suis pas sûr que ce qui n’est pas fondé demeure.
- Comment peut-on valoriser l’AOC ?
Alexis Karklins-Marchay : Il est question actuellement de ce qui appartient à l’Etat comme valorisation (nom de ville,…) et, par extension, on peut également penser à l’AOC.
- Dans vos équipes intégrez vous des chercheurs (sciences sociales,…) ? Intégrez-vous de l’humain dans vos travaux ?
François Nicolon : Oui, ils font partie intégrante de nos équipes.
Alexis Karklins-Marchay : Non mais nous ne sommes pas dans un travail scientifique donc l’humain est partout.
Alexandre de Coupigny : L’humain est de l’autre côté de la barrière.
Laurent Sacchi : Il y a très peu de sciences en interne et pour cela on fait appel à l’extérieur, aux sociétés de conseil…
Jean-Pierre Beaudoin : C’est un regret mais le lien entre entreprise et recherche fondamentale est très mauvais tout simplement parcequ’on y pense pas.
Petite note finale de Jean-Pierre Beaudoin : la structure fondamentale de l’opinion est sur 25 ans (à mettre en parallèle avec le rythme démographique). Il est donc nécessaire d’intégrer cela au jour le jour. Notre devise se rapproche de la vision du passé présent futur pour St Augustin « le présent du passé, le présent du présent et le présent de l’avenir ».
Conclusions de Franck BANCEL, Professeur, ESCP-EAP
Les financiers travaillent sur des vieux outils et ont donc du mal à appréhender l’immatériel.
L’entreprise vaut plus que la somme de ses parties.
La notion de core business n’est plus totalement adaptée. En effet, les entreprises veulent dépasser les limites de leur secteur et capter de nouvelles options de croissance.
Pour faire ce travail, le financier doit sortir de sa discipline. Il y a un nouveau paradigme à inventer.