Nombreuses sont les raisons que l’on peut attribuer à la sortie commerciale ratée de Psychonauts en 2005. Le jeu ne manquait certainement pas de charme ou de personnalité, mais les déboires de Double Fine avec les éditeurs, la chute en popularité des platformers 3D, des contrôles parfois frustrants et la transition vers une nouvelle génération de console ont tous contribué à nuire au succès anticipé du premier jeu de Tim Schafer post-Lucas Art. Psychonauts était ambitieux et loin d’être un mauvais jeu qui a su laissé sa marque par son originalité. Grâce aux pressions exercées par la communauté culte formée autour du premier opus, au plus grand nombre de joueurs ayant pu expérimenter le jeu grâce à des sorties sur PC et des ventes sur les différents magasins digitaux (merci, Humble Bundle), Psychonauts 2, la conclusion que l’on n’espérait plus et financée en grande partie par le sociofinancement suite à sa campagne lancée en 2015, est enfin débarqué dans nos salons. On l’attendait avec impatience, et l’attente en valait la chandelle.
FICHE TECHNIQUE de Psychonauts 2
- Date de sortie : 25 Août 2021
- Style : Platformer 3D
- Classement ESRB / PEGI : ESRB T / PEGI 7
- Développeur : Double Fine
- Éditeur : Xbox Game Studios
- Langue d’exploitation : Audio uniquement en anglais. Sous-titres disponibles en français, allemand, espagnol, portugais, italien
- Disponible sur PC, PS4, Xbox One et Xbox Series
- Testé sur PC
- Prix lors du test : 79,99 $ CA / 59,99 €
- Site officiel
- Version envoyée par l’éditeur
Comme s’il n’était jamais parti…
Le jeu reprend l’action exactement là où il nous a laissés en 2005. Raz, le jeune circassien aux habiletés psychiques hors pair, doit découvrir qui est la taupe ayant infiltré l’organisation des Psychonauts, une agence d’espionnage infiltrant le subconscient des individus — traumas et obsessions compris. Le jeu nous introduit rapidement aux concepts déjà élaborés dans le premier et ne tarde pas à montrer toutes les étrangetés que l’exploration d’un monde construit par le subconscient d’une personne engendre. Psychonauts 2 est unique en ce sens. Rares sont les jeux où les niveaux raconte aussi bien une histoire en usant les défis et le level art. Chaque niveau est une surprise et recèle de subtilités et de références.
Lorsqu’il n’est pas en train de parcourir la psyché d’un personnage, Razputin enquête dans le monde réel sur les déboires de son nouvel employeur. Le monde ouvert est charmant à souhait. L’univers abandonne le camp de vacance du premier pour nous donner accès aux bureaux des Psychonauts et la nature les entourant. On retrouve, bien sur, des personnages du premier tel que Sasha, Milla, Coach Oleander et Lili, mais leurs rôles sont relégués à l’arrière-plan. La narrative préfére plutôt misé sur les nouveaux. L’ensemble des enfants rencontré dans le premier est aussi remplacé par une autre chorale d’internes que l’on apprendra à connaitre tout au long de l’aventure. Ces nouveaux personnages et environnements sont les bienvenues, capturent l’idée de ceux du premier, mais élaborent beaucoup plus en profondeur sur les concepts.
C’est d’ailleurs un terme récurrent de Psychonauts 2. Aller plus en profondeur. Le monde abonde en quête secondaire et le jeu se fait une croix d’honneur de nous montrer tous les éléments narratifs que l’on a fait miroiter dans le premier opus. Vous vous rappeler que Raz est incapable de nager dû à une malédiction ? Vous saurez pourquoi maintenant. Malgré qu’aucun niveau n’atteigne le délire du facteur conspirationniste du premier, Psychonauts 2 réussit tout de même à surprendre par son univers et à mettre de l’avant les thématiques de l’empathie et des troubles de santé mentale avec beaucoup d’humour et de justesse, et ce, tout en nous apportant les conclusions que l’on attendait au récit. Cela dit, il n’est pas nécessaire d’avoir joué au premier pour comprendre ce qui se passe dans celui-ci. Le jeu, conscient de la longue période entre les deux œuvres, apporte les éléments de façon à ce que n’importe qui soit en mesure de comprendre. Seules quelques petites références vous échapperont peut-être.
Un délire visuel et perceptif…
Visuellement, Psychonauts 2 profite de son univers déjanté pour s’en donner à cœur joie. Imaginer les muppets réalisés par Tim Burton dans un univers rétrofuturiste des années 60-70. Étrange mélange à digérer, vous me direz, mais je vous assure que c’est la façon la plus efficace de décrire la bête. C’est coloré, c’est cartoony, mais il y a un côté glauque humoristique. L’une des internes est particulièrement inquiétante dans son rapport avec les animaux et les secrets que l’on découvre sont loin d’être joyeux.
Il y a un excellent travail des artistes sur les représentations des concepts de psychologie dans chacun des niveaux. Que ce soit tous les ennemis ajoutés (la crise de panique est particulièrement réussie) ou encore la représentation de la psyché d’une personne, les développeurs n’hésite pas à changer la direction artistique et à l’accommoder au besoin du niveau. On ne peut qu’admirer la quantité de travail qui a été fait par les artistes, mais surtout la qualité de cette diversité. Il n’y a pas un élément qui détonne comme étant de trop ou encore qui ne semble pas avoir sa place dans l’univers éclaté mis en scène.
Ça rappelle des souvenirs…
En ce qui a trait au gameplay, Psychonauts 2 règle beaucoup des problèmes que le premier jeu avait au niveau des contrôles, mais retombe dans les mêmes panneaux sur d’autres éléments. On a encore à faire à un collectothon interminable. La quantité de figments d’imagination (sorte de représentation fantasmatique d’un élément de la psyché d’un des personnages) que l’on doit ramasser par niveau, si on est du genre à vouloir tout collectionner, est souvent astronomique. Autre que les centaines de figments, on va retrouver les bagages émotionnels, les coffres de souvenirs, devoir revenir, plus tard, armé de nouvelles habiletés pour compléter la collection… Bref, c’est l’un des éléments qui aurait pu être allégé.
Il y a également une formule dans les niveaux qui se répète. Une sorte de recette archaïque qui est mise de l’avant. On entre dans le niveau, on complète 3 tâches avec une habileté vedette ou nouvellement découverte, on affronte un boss en 3 étapes. Bref, le jeu aurait pu gagner à varier un peu le rythme de ses niveaux. On comprend pourquoi il est structuré ainsi, mais alors qu’il présente une tonne de variété dans leurs environnements et ennemis, c’est l’un des éléments que les développeurs auraient pu moderniser un peu. Outre que ces petits accrocs, le jeu nous demande souvent, faute de boutons sur la manette, de devoir naviguer un menu extradiégétique pour changer les habiletés psychiques sélectionnées afin de progresser dans le niveau. Ce n’est pas trop grave, mais ça devient agaçant à la longue.
Malgré ces petits défauts, Psychonauts 2 reste très amusant à jouer. Les habiletés débloquées sont, pour la plupart, utiles tout au long de l’aventure, les contrôles répondent bien et le minime, mais sympathique système de skill tree contribue à changer les tactiques du joueur lors de certaine situation. Il y a un équilibre agréable entre le platforming, les puzzles et leurs combinaisons. Les nouvelles habiletés et les nouveaux ennemis contribuent à apporter un vent de fraîcheur au jeu, tout en gardant les succès du premier.
Verdict sur Psychonauts 2
Au final, Double Fine réussit son pari en nous ramenant l’univers de Psychonauts. Malgré un gameplay qui laisse une impression de vieillot par moment, le charme des personnages, la qualité des dialogues, les niveaux déjantés, l’univers narratif incroyable et les contrôles améliorés nous confirment qu’il y a encore de la place pour les platformers 3D, mais surtout, le jeu ne se gêne pas de nous montrer l’importance de marcher dans les souliers des autres et d’être empathique envers tous. Que vous soyez un vétéran ou un néophyte du genre, ne faites pas l’erreur du public en 2005. Rasputin « Raz » Aquato mérite amplement sa place auprès des Mario, Rayman et autres grands du genre.