Nous avons eu le plaisir d’assister à la conférence de Tim Sweeney, le 13 novembre dernier, lors de la première journée du Sommet International du Jeu Vidéo à Montréal dont le thème des 2 jours de conférences était The future : Unknown (voir nos autres articles sur le MIGS). M. Sweeney, fondateur et CTO chez Epic Games, a été mandaté pour faire la conférence introductive, et ouvrir le bal pour un sommet qui s’est avéré riche en contacts autant qu’en réflexions.
Epic est connu en tant que développeur de jeu (notons ici les franchises Gears of War et Unreal Tournament notamment), mais une bonne partie de son chiffre d’affaire provient du développement d’outils de développement destinés aux développeurs professionnels. Son produit phare, le Unreal Engine existe depuis plusieurs années déjà. De nombreux jeux ont été développé grâce à cet outil. La 4e version a été présentée en exclusivité plus tôt cette année lors de la Game Developpers conference.
Si l’on se fie à la conférence donnée par M. Sweeney au MIGS, le défi principal des prochaines années sera de faciliter le développement de jeux en parallèle sur à peu près toutes les plateformes commercialement viables à l’heure actuelle – et peut-être même quelques autres encore… En tant que CTO, les prédictions de l’Oracle Sweeney auront assurément des retombées majeures sur le chiffre d’affaire de son entreprise. Comble de chance, sa conférence s’est avérée particulièrement stimulante et intéressante. Selon lui, on assistera à trois évolutions majeures au cours des prochaines années.
Première évolution: démocratisation sans précédent du jeu vidéo et transitions majeures en termes de modèles d’affaires
On peut le voir de plus en plus souvent, avec des jeux comme Perfect World ou Aion qui font un tabac en Occident, League of Legends, qui est présentement le jeu numéro 1 en Chine, sans compter la série Starcraft de Blizzard qui a servi de catalyseur à la prolifération des cafés internet en Corée du Sud, et aussi avec les circuits de pro-gaming qui font saliver bien des joueurs et enthousiastes occidentaux.
Comme le rappelle M. Sweeney, on assiste à un décloisonnement accéléré entre l’Est et l’Ouest. La compétition chez les développeurs en devient d’autant plus féroce et, pour se distinguer, ils devront être en mesure de pousser le potentiel visuel de leurs créations au maximum, de façon la plus efficace possible, et s’ancrer sur des modèles d’affaire Free to Play, qui permettent une accessibilité et une viralité qui est de plus en plus difficile pour les jeux opérant sous des modèles plus traditionnels.
Selon M.Sweeney, les jeux vendus sous forme physique diminueront. Avec la croissance accélérée des jeux en ligne en tout genre, l’efficacité de ces derniers dans la lutte au piratage, ainsi qu’un marché qui s’avère de plus en plus compétitif et saturé, les entreprises de développement qui ne feront pas la transition vers un modèle Free to Play seront laissées loin derrière leurs concurrents…
Les jeux, toutes plateformes confondues, devront aussi se distinguer en termes de qualités graphiques. Il devient de plus en plus coûteux de développer des jeux dits AAA pour les consoles de nouvelle génération et, même du côté des plateformes mobiles où l’on assiste au même phénomène, les capacités de ces dernières augmentent de près de 200%, année après année. Il faudra donc que les développeurs parviennent à faire plus avec moins. Comment? La solution, selon M. Sweeney, réside dans l’adoption d’outils de développement multi-plateformes qui, comme la suite Unreal viendraient faciliter et simplifier le processus de développement.
Deuxième évolution: convergence dans les fonctionnalités matérielles des différentes plateformes
Il y a quelques années, les jeux sérieux étaient l’apanage des consoles et des PCs, le web était réservé aux développeurs indépendants, les app stores regorgeaient de petits jeux pour passer le temps et les tablettes n’existaient même pas. Selon M. Sweeney, par contre, l’heure de la convergence est à nos portes, et les développeurs sérieux seraient bien avisés d’élargir leurs horizons de développement. On voit que toutes ces plateformes convergent vers des fonctionnalités de plus en plus similaires, et que l’écart au niveau des capacités graphiques s’amenuise rapidement. Résultat ? Il devient de plus en plus facile et sage d’employer des stratégies de déploiement multi-plateformes.
On le voit avec le développement des plateformes Onlive et Gaikai de ce monde que le Cloud-Gaming devient de plus en plus réaliste et, advenant un recul du goulot d’étranglement que constituent à l’heure actuelle les capacités de téléchargement et de bande-passante, les jeux web, et même les jeux commerciaux traditionnels pourraient bien se jouer en flux continu (streaming) comme une simple vidéo sur YouTube…
Troisième évolution: avenir du moteur UDK : Unreal Everywhere
Comme nous l’avons mentionné précédemment, et la viabilité commerciale des plateformes mobiles tout particulièrement, Epic développe ses jeux et ses outils de développement en parallèle. Pour souligner les points mentionnés plus haut, M. Sweeney a révélé que le jeu iOS Infinity Blade s’est avéré être, de loin, le plus profitable de l’histoire de la compagnie.
Les développeurs chez Epic produisent sporadiquement des démos techniques à diffusion large, autant pour mousser leurs propres produits que pour tester le potentiel émergent des plateformes elles-mêmes. Sweeney a présenté deux démos, celle intitulée « Samaritan« , dévoilée pour la première fois lors du GDC 2011, qui visait à démontrer le potentiel de l’Unreal Engine version 3. La seconde, « Elemental » démontre, elle, les capacités offertes par la version 4 du kit de développement. Le saut de qualité est majeur, autant en termes d’éclairage indirect, de reflets, d’effets de brouillard volumétriques et de simulation d’effets de physique.
L’Unreal Engine 4 permettra de développer les jeux de prochaines génération. Le plus grand défi sera donc de permettre aux développeurs de travailler de façon plus efficace sur les diverses plateformes telles que les PC, les consoles, les tablettes, etc. Le défi sera de faire en sorte que les écarts subsistants en termes de capacités graphique chez ces plateformes puissent être pris en charge par la suite de développement. Les développeurs auraient donc le champ libre pour consacrer un maximum d’efforts au perfectionnement de l’élément ludique lui-même, plutôt que de s’entêter à réinventer la roue, et de perdre temps et argent sur l’optimisation graphique inter-plateforme.