Vous l’avez sans doute remarqué, les reports sont quasiment devenus une mode dans le monde du jeu vidéo. Que cela soit The Witcher 3, Batman Arkham Knight, Battlefield Hardline ou Project Cars, la plupart des jeux de ce début d’année 2015 étaient des jeux prévus pour la fin de 2014. De même, certains jeux prévus pour la fin 2015 ont déjà été reportés à 2016 ou sont pressentis pour être reportés eux aussi. A travers cet édito, j’aimerais expliquer ce phénomène des reports et vous donner mon point de vue sur cette mode dans le monde du jeu vidéo.
Pourquoi des reports ?
Vous vous demandez peut-être pourquoi les éditeurs et développeurs de jeux vidéo décident-ils de reporter un jeu ou bien pourquoi ne choisissent-ils pas mieux leurs dates de sortie ? D’un côté, cela peut s’expliquer par la quantité de travail qu’il faut abattre pour sortir un jeu AAA aujourd’hui. En effet, même si les technologies ont énormément évolué en une dizaine d’années, l’ambition des jeux et le travail nécessaires pour les construire a également gagné en importance. Très souvent, les jeux vont pousser les consoles à leurs limites technologiques et sont beaucoup moins simples à réaliser qu’avant. De plus, les développeurs doivent maintenant quasiment systématiquement intégrer une composante multijoueur, chose qui n’apparaissait que de temps en temps dans les anciens jeux. De plus, il faut se rappeler que l’industrie du jeu vidéo est certes une industrie créative où les éditeurs vendent des produits culturels mais il s’agit avant tout d’une industrie dont le but est de faire des profits. Si les éditeurs arrivent à satisfaire les joueurs, c’est un bonus mais leur but est avant tout de vendre. C’est ainsi que les dates de sorties sont imposées dans la grande majorité des cas par les gens du marketing qui ont des comptes à rendre aux actionnaires.
Dans le cas d’une franchise annuelle comme Call of Duty ou Assassin’s Creed, il est impératif que le jeu sorte au mois de novembre comme c’est le cas tous les ans. En effet, les actionnaires ont conscience que les consommateurs s’attendent à une sortie à ce moment-là et que toute modification du planning de lancement pourrait impacter les ventes de manière très négative. De plus, dans le cas de ces deux franchises, les jeux sont associés aux périodes de fêtes et sont souvent des cadeaux de Noël. Ainsi, ne pas retrouver son Call of Duty ou son Assassin’s Creed dans les bacs à noël serait catastrophique pour leurs ventes. C’est pourquoi les actionnaires seront prêts à sacrifier la finition d’un jeu pour qu’il sorte à une date précise. C’est probablement ce qui s’est passé avec le fameux Assassin’s Creed Unity de l’an dernier. Ce jeu aurait largement mérité 6 mois de développement en plus pour fixer tous les soucis techniques comme les chutes de framerate ou les bugs de textures. Je pense sincèrement que Ubisoft Montréal a demandé un délai supplémentaire mais les actionnaires ont préféré sacrifier la qualité de cet épisode au lancement plutôt que ses ventes. Ainsi, le jeu a subi les foudres des critiques les plus sévères et les joueurs fans de la série mais il s’est vendu à près de 8 millions d’exemplaires dans le monde! Nous verrons comment les développeurs vont s’occuper du prochain épisode qui sortira lui aussi en novembre prochain. Peut-être vont-ils revoir leurs ambitions à la baisse et nous proposer un jeu techniquement fini. Seul l’avenir nous le dira.
La haine de la hype
Bien évidemment, ça ne me fait pas plaisir sur le coup d’apprendre qu’un des jeux que j’attendais pour une période donée sortira en réalité 6 mois ou un an après. Vous ne pouvez pas savoir à quel point j’étais déçu par le report d’Uncharted 4 au printemps 2016 ou le report pressenti de Quantum Break en 2016. Tant de hype générée par les développeurs, de beaux trailers et de promesses faites par les éditeurs lors des grosses conférences à l’E3 ou à la Gamescom: l’attente est énorme pour ce type de jeu. Rappelez-vous 2014, quand tout le monde était déçu que tant de jeux soient reportés en 2015, n’avez-vous pas cette sensation de déjà-vu ? Tout cet optimisme pour cette année 2015 pourrait disparaitre très rapidement si d’autres jeux comme Zelda, The Division, Star Wars Battlefront, Persona 5 ou No Man’s Sky voyaient leurs dates de sortie repoussées jusqu’en 2016.
Construire une hype, l’attente autour d’un jeu, peut s’avérer payant comme ce fut le cas pour Watchdogs qui avait déchaîné les foules au moment de son annonce. En effet, au plein cœur d’un E3 très inintéressant, Ubisoft a dévoilé une vidéo très artificielle du jeu tournant probablement sur un PC de la NASA. Cela a suffit pour que toute la presse s’emballe et que les joueurs placent le jeu dans le haut du classement de leurs attentes. Résultat : le jeu a battu le record de précommande pour une nouvelle licence. On peut aussi citer le cas de Destiny qui a promis tant de choses sur son univers, sur ses interactions sociales et son histoire, que le jeu a battu ce même record lors de sa sortie en septembre 2014. Ces deux jeux prouvent que les joueurs en demandent toujours plus et recherchent LE jeu qui va les scotcher, la prochaine grosse expérience.
C’est d’ailleurs pour cela que les responsables font tout pour construire cette hype, légitime ou non. Auparavant, un jeu annoncé à l’E3 sortait en général 6 mois après voire au début de l’année d’après au grand maximum. Aujourd’hui, le public vit le développement du jeu avec les studios et il peut se passer 2 voire 3 ans entre l’annonce et le lancement d’un AAA. De plus, les précommandes sont en général disponibles au moment de l’annonce avec un tas de contenu téléchargeable dont le but est d’attirer le joueur et le pousser à précommander le jeu. Heureusement, certains jeux échappent à ce phénomène. L’an dernier, on peut penser à Little Big Planet 3 et Far Cry 4, annoncés à l’E3 et sortis en fin d’année. Les reports sont maintenant attendus et c’est bien ça qui est regrettable dans toute cette mode de la hype à tout prix. On dirait d’ailleurs que seuls les studios indépendants échappent à cette règle car souvent à l’écart de ce phénomène des gros titres dans les magasines. De plus, ceux-ci ne doivent pas répondre à leurs actionnaires, où aux responsables marketing qui leur imposent une date de sortie au détriment du développement du jeu.
Les reports : je dis oui
Vous l’aurez deviné, ce ne sont pas les reports que je pointe du doigt dans cet édito. En effet, si reporter un jeu permet aux studios de le peaufiner et de le sortir fini et stable, et bien donnez-moi des reports. Qu’on ne vive plus ce que l’on a vécu avec Assassin’s Creed Unity, Halo Masterchief Collection ou DriveClub! Comme le dit le grand Shigeru Miyamoto : “A delayed game is eventually good, but a rushed game is forever bad.”. En revanche, pour éviter une énorme déception ou une grande frustration lors des reports et des changements de calendriers de sortie, j’aimerais demander aux éditeurs d’arrêter de créer une hype, fausse ou non, et de laisser les studios développer leur jeu tranquillement. Respecter une deadline et sortir un jeu non fini pourrait nuire à long terme à n’importe quels franchises, personnages iconiques où studio emblématiques. Donc, je dis non à la hype, non au marketing sur-dominant dans le monde du jeu vidéo et si reporter un jeu permet de contrer ces fléaux, et bien je dis oui!