Just Dance 3 est l’un des jeux les plus populaires de cette fin d’année. Pour souligner ce très beau succès d’Ubisoft Montréal, Geek’s and com’ vous propose une entrevue avec Frederic Gémus, concepteur du jeu chez Ubisoft. Il a collaboré, entre autres, sur les jeux Michael Jackson, The experience et Assassin’s Creed 2.
Pourquoi avoir décidé de te spécialiser dans les jeux de danse après avoir travaillé sur le deuxième Assassin’s Creed?
En tant que Game Designer, j’aime pouvoir toucher à différents types d’expériences et toujours découvrir de nouvelles choses. Peu de temps après avoir terminé Assassin’s Creed 2, j’ai vu qu’il y avait des besoins sur Michael Jackson : The Experience et comme il s’agissait d’un des premiers jeux Kinect (la kinect n’étant pas encore disponible sur le marché), j’avais envie de découvrir cette nouvelle technologie.
J’ai donc travaillé principalement sur toute la partie danse du jeu, ce qui était très stimulant puisque nous travaillions entre autres avec des chorégraphes et danseurs, mais aussi parce que nous devions développer tous les systèmes de détection et d’évaluation des mouvements de danse. Comme j’avais trouvé l’expérience très inspirante, lorsque nous avons reçu le mandat pour développer la version Kinect de Just Dance 3, il était clair que je voulais encore faire partie de l’aventure!
Je compare souvent le travail d’un designer de jeu à celui d’un designer d’intérieur : un designer d’intérieur va s’assurer de concevoir un espace agréable à habiter, mais surtout, qui reste très fonctionnel et optimal dans son arrangement. C’est la même chose pour un concepteur de jeu : il faut que notre jeu soit agréable et intéressant à jouer, mais aussi, qu’il soit accessible dans son utilisation, que ce soit par le confort des contrôles ou encore ses interfaces.
Évidemment, pour un jeu Kinect, on doit toujours aussi prendre en compte l’espace physique du joueur. Par exemple, dans Just Dance 3, nous sommes le premier jeu Kinect à permettre à 4 joueurs de jouer simultanément, alors il faut prévoir que les gens joueront très près les un des autres dans nos règles de jeu! De plus, il ne faut pas oublier le confort des mouvements effectués par les joueurs : certains mouvements peuvent devenir lassants à long terme, mais aussi, peuvent être difficile à exécuter pour d’autres.
Est-il possible de nous expliquer quels sont les principes de départ pour définir les mécaniques de jeu spécifiques aux jeux de danse?
Quand on parle de danse, les deux aspects les plus importants qui nous viennent à l’esprit sont souvent le rythme et les mouvements. Ce sont les deux éléments sur lesquels nous allons pouvoir comparer avec le plus de pertinence la performance du joueur par rapport à celle de notre capture de mouvement originale, soit la performance d’un danseur.
Cependant, il faut tout de même adapter les différents mouvements pour le grand public : on ne peut pas s’attendre à ce que tout le monde soient capables de danser comme un danseur professionnel! On doit donc passer beaucoup de temps à réviser chacun des mouvements pour s’assurer que les mouvements trop difficiles à exécuter ou encore ceux enclins à différentes interprétations puisse prendre en compte des évaluations satisfaisantes. Notre but n’est pas de faire un jeu pour des pros de la danse après tout, mais bien de permettre à tout le monde de participer!
Quels sont les défis en terme de production que vous avez vécus lors de la production du jeu sur Kinect?
Personnellement, je crois que tous les projets ont des défis peu importe la console. Je dirais que la chose qui est surtout différente avec Kinect, c’est le langage : en tant que concepteur, on est souvent habitués à parler de contrôleurs et de pavés directionnel, mais quand vient le temps d’expliquer un mouvement, c’est beaucoup plus difficile à transmettre dans un document écrit! On passe donc beaucoup plus de temps debout, à bouger pour tout simplement pouvoir expliquer ses idées. Il en va de même pour pouvoir développer et tester toutes nos mécaniques de jeu : sur un projet Kinect, on passe beaucoup de temps debout! C’est bien, parce que ça brise la dynamique plus traditionnelle où l’on reste assis une bonne partie la journée à travailler, mais lorsque l’on arrive en fin de production, au moment de valider le travail pour plus de 70 chorégraphies, il faut s’attendre à rentrer chez soi un peu plus fatigué qu’à l’habitude!
Pourquoi penses-tu que les jeux de danse ont gagné en popularité et quelle est la raison du succès de Just Dance selon toi?
La danse est devenue effectivement très populaire auprès du public, on n’a qu’à regarder toutes les émissions de télé qui y sont maintenant dédiées. En ce qui a trait à Just Dance, je pense que la raison de son succès est que c’est l’un des premiers vrais jeux de danse : si on regarde les Dance Dance Revolution qui étaient disponibles avant, on était beaucoup plus dans un jeu de réflexes, où on devait appuyer sur des flèches au bon moment, que dans un jeu réel de danse.
Par contre, dans Just Dance, on effectue de vrais mouvements de danse, ce qui n’avait pas vraiment été fait avant la Wii ou encore la Kinect et qui est selon-moi beaucoup plus intéressant et pertinent pour le joueur! De plus, ce qui fait la force de Just Dance par rapport à ses compétiteurs est selon moi la qualité de ses chorégraphies. Elles sont toujours accessibles, surprenantes et intéressantes à effectuer, sans jamais trop se prendre au sérieux, ce qui les rend accessibles à tout le monde! En plus, avec une trame sonore aussi variée, tout le monde est sûr d’au moins trouver un morceau qui lui donne le goût de bouger un peu!
Maintenant que le corps est une manette, quelles innovations aimerais-tu voir implanter par l’industrie du jeu? Comment imagines-tu les futures technologies en termes de gameplay?
À mon avis, si on veut pouvoir enrichir davantage ces expériences, il faut réussir à trouver le juste milieu entre les expériences plus traditionnelles avec contrôleurs et celles qui prennent en compte tout le corps du joueur, je pense par exemple à un hybride qui utiliserait le corps en entier, comme la Kinect, mais aussi avec un contrôleur dans les mains : on ne peut pas négliger que certaines actions demandent tout de même une forme d’interaction physique.
Je pense cependant que les vraies innovations vont provenir notamment de la sphère sociale du jeu et du fait que nous sommes pratiquement toujours connectés entre nous. Avec Facebook et les téléphones mobiles, les jeux commencent à déborder de leurs cadres habituels pour occuper plus de temps dans la vie des joueurs : je crois qu’il faut s’attendre à ce que de plus en plus de jeux aillent dans cette direction, voire permettent aux joueurs d’avoir une autre expérience du même jeu lorsqu’ils ne sont pas assis devant la console.
En ce qui a trait aux futures technologies et innovations techniques, je laisse le soin à l’avenir de continuer à me surprendre!
Merci à Frédéric d’avoir pris le temps de répondre à nos questions par courriel!