Avant Ishmaël, avant Moby Dick, il y a eu l’incroyable histoire du baleinier l’Essex et de son équipage. Au coeur de L’Océan se veut comme le prologue, l’origine de l’un des plus grands romans américains. Ron Howard se charge de nous transporter vers l’horizon. Sans le mal de mer ?
On prend le large
Sortez la grande voile, qu’on s’éloigne de l’attendu. Il faut le dire, quelques libertés ont été prises à propos de la véritable histoire entourant la rédaction du roman. Le choix de personnifier la narration n’est pas dénué de sens et apporte une sorte de connexion permettant de faire absorber les deux strates de l’histoire au spectateur. Cependant, on peut regretter le traitement de celle mettant en scène Herman Melville, donc, qui navigue entre le cliché et le touchant au point de perdre sa consistance.
À la dérive, absorbés mais pas noyés, on retrouve dans ce film des thématiques fortes, quelque chose qui se rapproche d’Apollo 13. Exit la chasse à la baleine, c’est une épopée humaine en Terra Incognita que nous sert Ron Howard. Le véritable cœur de l’histoire se situe dans la vie de ces marins, mais pas explorateurs, qui poussent le vice jusqu’au point de rupture. Le défi psychologique d’affronter ce qui est plus grand que soi et, surtout, d’y survivre. La frontière entre, la mise en avant de thématiques humaines et leur compréhension en double lecture, est si fine qu’on prend plaisir à s’y perdre. Tout du long, on ressent ce que le film veut nous faire comprendre mais sans nous le jeter à la figure. À la malheureuse condition d’oublier la strate de narration.
Une démonstration accentuée par un casting droit dans ses bottes. On prend peur à la première apparition de Chris Hemsworth, redoutant sa prestation aux gros sabots. Puis on le découvre sous un nouveau jour au fur et à mesure que l’intrigue fait peser son poids sur le personnage. On salue sa transformation physique pour une partie du rôle et on tombe dans la déception en découvrant que c’est sous-exploité. Dommage. Les seconds rôles vont du très bon au très transparent. Un véritable équipage de navire dirons-nous.
Maelström dans la toile
Consistante, entraînante mais pas cohérente. De l’écriture intrinsèque des scènes au montage global, on se laisse emporter par l’oeuvre et l’ennui n’existe pas tant les deux heures passent à une vitesse folle. Le temps est pris pour poser les fondations du récit avec une mécanique presque trop académique. Et puis on se laisse porter par un récit très fluide malheureusement entaché par quelques points de rupture qui perturbent le tout sans en casser le rythme.
Mais, là où le bât blesse réellement, c’est la déception apportée par certains plans presque logiques venant du réalisateur, qui sonnent faux malgré tout. Comme un cheveu sur la soupe, des zooms et des mouvements brusques de caméra viennent perturber l’homogénéité de l’image. Incompréhensible de la part du grand Ron Howard. Malgré son incohérence, la mise en scène reste de très bonne facture et c’est dans les détails qu’elle vient puiser sa force. Au-delà de la beauté de l’image à l’étalonnage verdâtre, nous sommes vraiment immergés dans la vie de marin grâce à des scènes brillamment montées qui nous amènent au plus près de la grande mécanique qui fait voguer un navire. Ajoutez à ça un mixage son percutant qui frappe là où ça fait mal et la merveilleuse musique de Roque Baños et vous voilà au début du 19ème siècle, prêts à embarquer.
Conclusion
Au cœur de L’Océan réussit à nous emmener dans la direction voulue sans qu’on puisse avoir le temps de s’ennuyer. Une histoire forte, aux thématiques marquées, illustrée par une magnifique image qui se serait bien passée de plans brouillons. Ron Howard a su nous servir un film efficace mais qui manque d’un petit quelque chose pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs de sa filmographie.
Au cœur de l’Océan sort dans les salles françaises ce mercredi 9 décembre.