Que dit-on de la vie des grands criminels ? Qu’elle est dangereuse et complètement illégale, pour sûr. Mais n’existe-t-il pas une part de douce folie, une échappatoire passionnante ou en tout cas passionnée ? Avec Strictly Criminal (Black Mass), Scott Cooper dépeint celle de l’un des plus célèbres truands du 20e siècle, James J. Bulger. À travers une image servant de reflet à l’histoire qu’elle nous conte ?
Du Noir décomplexé
Ça prend aux tripes, ça nous emprisonne et surtout ça nous passionne. Strictly Criminal fait preuve d’une structure à la fois ancrée dans la modernité tout en faisant la part belle aux grands films noirs. Tout est calculé, millimétré, les parallèles de l’histoire s’alignent presque à la perfection et la réalisation semble aussi froide et puissante que le personnage de Jimmy. Et si le quadrillage du montage vous rebute, vous ne vous dépêtrerez pas de l’ambiance poisseuse qui se dégage du film. Du grain de l’image aux comportements en passant par les costumes, impossible de ne pas se sentir happé par les années 70 et 80.
Brutal et parfois choquant, le film ne tombe jamais dans l’excès et nous fait accrocher à une mise en scène réaliste, proche de ses personnages. La galerie de malfrats est parfois un peu conséquente et nécessite une attention de tous les instants pour ne pas en perdre une miette. C’est bien là le problème de vouloir traiter l’histoire d’un seul homme à travers ce qui l’a aidé à se construire : son entourage. Globalement on assiste à un effacement des bons personnages aux bons moments, mais certains traitements peuvent décevoir.
De la justesse dans le vice
S’il y a un acteur qui a toujours su s’emparer de ses personnages, c’est bien Johnny Depp. Interpréter des guignols de toutes sortes, il sait le faire et même très bien. On en aurait presque oublié que sous ces maquillages et costumes se cache un grand acteur avec d’autres facettes. Paradoxe complètement hollywoodien, c’est encore une fois grimé que l’acteur dévoile son meilleur rôle depuis très longtemps. Froid, détaché et pourtant si complexe. Le personnage de Jimmy est un travail tout en subtilité brillamment exécutée par un Johnny Depp au sommet de son art.
Si sa prestation valait bien qu’on s’y attarde, le reste du casting n’est pas en reste. Dirigés d’une main de maître ou talent naturel, les acteurs collent avec justesse à la narration et à la mise en scène très exiguës, toujours en tension. On regrettera une Dakota Johnson anecdotique et un Benedict Cumberbatch un peu en retrait, faute surtout à l’écriture qui manque le coche d’un parallèle puissant entre les deux frères que tout oppose. C’est d’ailleurs sur ce point qu’on pourrait trouver à redire sur Strictly Criminal, car il faut bien chipoter un minimum. Certes, les enjeux sont très bien exposés et l’ascension est d’une simplicité de compréhension à toute épreuve. Cela étant dit, tout est très dense et si une attention de tous les instants est indispensable, on aurait souhaité un peu plus de longueurs pour se délecter du récit et des personnages. Le sentier qui mène à la chute, à l’épilogue, est très bien tracé, mais le bout du chemin déçoit un peu tellement il nous arrive en pleine face à toute allure.
Conclusion
Rythmé, prenant le temps de poser la complexité du récit pour revenir vous estomaquer encore plus fort. Un tempo juste, mais qui aurait mérité de s’étendre un peu. Oui, Strictly Criminal (Black Mass) réussit à imposer une réalisation froide, cadrée et puissante et s’en délecter un peu plus longtemps n’aurait pas été de refus. De l’image aux acteurs, en passant par la bande-son, le film allie avec brio intimité, violence et justesse. Tout ce que l’on demande d’un film noir adapté à une audience moderne.
Le film est projeté dans les salles françaises dès ce mercredi 25 novembre.