Serious Sam 4: Sérieusement Superflu

Ils doivent bien être 500 à me foncer dessus. Les tirs de plasma me frôlent et le sol explose tout autour de moi. Je ricane dans ma barbe. Je viens tout juste de consommer un sérum à base de stéroïde. Un deuxième fusil à pompe automatique apparaît dans ma main gauche. Ils n’avaient pas prévu que je leur foncerais dessus. Cette ville a besoin d’une nouvelle couche de peinture. J’espère que les habitants aiment le rouge.

Duke Nukem a raté son retour en 2011. Doom Guy est plus populaire que jamais. Masterchief, de son côté, retarde son débarquement sur nos écrans à l’année prochaine. Vous pourriez me dire que nous sommes au début des années 2000, que je vous croirais. Après nous avoir donné l’exceptionnel The Talos Principle, en 2014, Croteam revient aux sources et réanime son héros à la voix gutturale, débordant de testostérone et champion du one-liner : Sam « Serious » Stone. Y a-t-il encore de la place en 2020 pour un autre inexorable surhomme-armée prisonnier d’une époque vidéoludique révolue ? Serious Sam 4 n’est pas du grand art et semble inachevé, mais le développeur croate porte le badge fièrement en nous présentant un jeu vidéo tout ce qu’il y a de plus jeu vidéo.

Fiche technique de Serious Sam 4

  • Date de sortie : 24 Septembre 2020
  • Style : First-Person Shooter, Arcade
  • Classement ESRB / PEGI ESRB M / PEGI 18
  • Développeur : Croteam
  • Éditeur : Devolver Digital
  • Langue d’exploitation : Voix anglaises seulement, sous-titres disponibles en français, italien, allemand, espagnol, japonais, coréen, polonais, portugais, russe, chinois simplifié, chinois traditionnel et turque
  • Disponible sur PC et Stadia
  • Testé sur PC
  • Prix lors du test : 45,49 $ CA / 39,99 €
  • Site officiel
  • Version numérique envoyée par l’éditeur

Attendez… il y a une histoire ?

Serious Sam 4 est un prologue au troisième titre de la série. Victime d’une invasion extraterrestre, l’humanité livre un combat désespéré pour sa survie. Une organisation militaire internationale, la A.A.A., part en quête du Saint Graal, un artéfact extraterrestre, afin de reprendre le contrôle de la planète. Aidé par ses compatriotes ultras typés, plus badass les uns que les autres (sauf Kenny, la recrue), Sam mène une campagne meurtrière pimentée par les mauvais calembours et les one-liners à travers les toujours ensoleillés rues de Rome, le terroir de Carcassonne et les plaines enneigées de la Russie en une quinzaine de chapitres. Quelques rebondissements qu’on voit venir, des blagues qui tombent à plat, des personnages unidimensionnels… L’auteur nous avait promis une trame narrative plus étoffée, mais peine à livrer la marchandise.

Sans être un crétin, Sam est niais, mais opiniâtre. Moins machiste que Duke (à la bonne heure), il enchaîne les craques postmodernistes et les références à la culture populaire. À travers son protagoniste, le jeu critique ouvertement les clichés narratifs et ludiques de genre, sans pour autant apporté de solutions aux problèmes soulevés ou de nouveauté. Véritable surhomme, le héros se balade avec une douzaine d’armes, court le 100 mètres en moins de 10 secondes (je l’ai chronométré) et encaisse les baffes comme personne. C’est un personnage classique qui ne cherche pas à être approfondi, pour le meilleur ou pour le pire. Il y a un certain charme nostalgique, mais considérant le travail phénoménal que les scénaristes avaient effectué pour The Talos Principle, j’avoue que j’espérais plus.

On se fout pas mal des autres personnages, de leurs ridicules accents et de leurs rares interventions. Tous les stéréotypes sont présents : la femme forte évoluant dans un milieu masculin, le scientifique allemand à la lucidité questionnable détenant une dizaine de doctorats, la recrue incapable, mais bien intentionnée, etc. Il est évident que les développeurs se moquent des conventions du shooter d’antan et à un certain degré, des reboots des dernières années. Alors que Doom a réussi à se refaire une jeunesse, Serious Sam refuse, regrettablement, de se réinventer.

Crédit image: Croteam / Devolver Digital

Serious Sam 4 est à son meilleur, à l’instar d’un film de série B, lorsqu’on accepte l’absurdité de la situation. Rien n’a de sens. Pas besoin de chercher plus loin. Les éléments narratifs ne sont pas pour autant complètement mauvais, seulement insuffisants et trop prévisibles. Heureusement, quelques situations réussissent à surprendre et à varier le rythme du jeu. Je n’ose pas trop en dire à ce sujet de peur de ruiner ces très rares moments. Dommage que le récit soit moins subversif qu’il n’essaie de le laisser croire.

Reculer pour mieux avancer

Entre la possibilité de manier 2 gigantesques armes en même temps et des hordes infinies de monstres à exterminer, Serious Sam 4 est un first-person shooter d’arcade des plus traditionnels. Oubliez les points de vie régénérant en se mettant à l’abri des assauts. Sam doit trouver les trousses de premiers soins, les morceaux d’armure et les munitions s’il désire survivre. La beauté de cette mécanique ancestrale réside dans le rythme effréné de l’action qu’elle engendre, sans pour autant avoir les subtilités de Doom. On ne reste jamais en place bien longtemps et la touche « shift » demeure enfoncée constamment. De plus, lorsqu’on termine un chapitre, le jeu note notre performance avec un score pour nous inciter à faire mieux la prochaine fois. Quand je vous dis que c’est un jeu vidéo d’une autre époque…

Les armes sont l’un des points les plus satisfaisants du jeu. Elles demeurent, pour la plupart, assez conventionnelles, mais réussissent tout de même à laisser un sentiment d’impact et de puissance. Il y a quelque chose de profondément plaisant à décharger un double canon à bout portant, peu importe l’époque, au visage d’un attaquant trop audacieux. Cela dit, certaines armes sont simplement ridicules et c’est pour le mieux. Un lance-fusée capable de projeter 5 roquettes à la fois ? Un canon du 16e siècle lançant des boulets plus gros que notre héros ? Une mitrailleuse laser pouvant couper une centaine d’ennemis d’un seul trait ? Oui. Toutes ces merveilles sont à votre disposition. Mention spéciale pour le lanceur de scies à chaîne enflammées et explosives. Je vous jure que n’est pas une erreur de frappe. Il existe. Ajoutez à cela des gadgets augmentant temporairement les capacités de notre héros ou ouvrant des trous noirs sur le champ de bataille ainsi que des aptitudes à débloquer et vous avez le cocktail parfait pour freiner n’importe quelle invasion en courant à reculons. Avec plaisir.

Serious Sam 4 ne manque pas d’occasion pour tester tous ces jouets. En suivant un chemin plutôt linéaire, on se balade d’une confrontation à une autre. Les ennemis varient en taille et en nombre. Des multitudes de petites bêtes au monstre gargantuesque, le jeu pousse le joueur à s’adapter constamment aux situations en priorisant certains dangers. En plus de ceux déjà vus à travers la série, quelques nouvelles additions viennent entraver le progrès de Sam. Jamais de ma vie je n’ai vu autant d’antagonistes en même temps. Les développeurs n’exagéraient pas lorsqu’ils proclamaient que leur nouveau « legion system » permettrait d’avoir des milliers d’acteurs à la fois sur nos écrans. Déjà qu’entendre un kamikaze décapité accourir en hurlant sur notre protagoniste est effrayant, imaginez la panique lorsqu’il y en a 300 et qu’on doit éviter les charges continues des taureaux-garous. Les probabilités sont absurdes, mais triompher d’une escarmouche qui semble perdue d’avance est d’une grande satisfaction. Bien entendu, on remarque assez vite que le système est de la poudre aux yeux lors des batailles les plus peuplées. Les modèles de personnages se répètent et ne sont qu’une menace illusoire.

Crédit image: Croteam / Devolver Digital

À tout cela s’ajoute l’occasionnel boss fight en fin de niveau et des tâches secondaires parsemés parmi les immenses arènes. Encore une fois, il s’agit, pour la plupart du temps, d’exterminer des vagues d’ennemis dans un décor légèrement différent. Au final, on termine le jeu en une dizaine d’heures, voire une vingtaine si on cherche à trouver tous les secrets. Parce que oui, Serious Sam 4 abonde en easter eggs. Le joueur gagne en avantage à les relever (les guides ne manquent pas sur internet, pour les plus paresseux d’entre vous). Que ce soit simplement pour faire le plein de munition, affronter un boss caché ou une autre blague référentielle, la chasse au trésor diversifie le rythme de jeu en demandant au joueur d’exécuter des séquences de platforming extrêmement vicieuses dissimulées en plein air. Oubliez toute logique lorsque viendra le temps des réaliser. Oui, vous pouvez vous tenir sur les lampadaires et oui, vous pouvez courir sur les très minces clôtures. Ceux qui ont déjà joué à The Talos Principle peuvent témoigner de la déviance des créateurs. Occasionnellement, il m’est arrivé, dans ma quête des cachoteries, de briser le jeu en sortant des balises. Juste pour vous donner une idée du genre d’état d’esprit dans lequel la recherche des secrets m’a mise.

En conclusion, Serious Sam 4 mise beaucoup sur le plaisir de son gameplay. Avec raison. Tout est en simplicité, mais d’une efficacité redoutable, malgré une absence de stratégies des adversaires. À l’aide de son arsenal absurde et de la menace que posent les hordes d’ennemis, Serious Sam 4 démontre qu’il n’est parfois pas nécessaire de trop complexifier les mécaniques de jeu pour s’amuser. C’est un jeu challengeant, du début à la fin, qui sait rythmer l’expérience en introduisant de nouveaux éléments au bon moment et en se terminant lorsqu’on est sur le point d’en avoir assez. À noter qu’il y a également un mode coopératif à 4 joueurs, mais sans la possibilité de ranimer ses collègues en plein combat, il n’ajoute rien de significatif outre que quelques options nous permettant de manipuler, par exemple, le nombre d’ennemis ou de balles. Bref, le mode est facultatif et souffre d’un manque d’attention de la part des développeurs.    

Mais répéter les erreurs du passé

À l’heure qu’il est, vous devriez avoir réalisé que Croteam s’en donne à cœur joie dans le bancal. Graphiquement, le jeu, avec ses animations rigides et ses textures apparaissant sous notre regard (ou n’apparaissant tout simplement pas), ne fait pas exception à la règle. Il y a plus de vie dans les yeux d’un poisson oublié sur le comptoir pendant 3 jours que dans ceux des personnages du jeu. Les ressources de notre ordinateur sont clairement dédiées aux prouesses techniques du jeu. Sans avoir un PC dernier cri, aucun ralentissement n’a été détecté tout au long de mon expérience. Et ce, même avec une quantité parfois effarante d’objets, d’effets et d’ennemis à l’écran. Il semblerait, par contre, que ce n’est pas le cas pour tous. Le jeu est loin d’être techniquement parfait, mais il impressionne. Il y a des inconsistances avec les collisions d’objets et des bogues à profusion, mais vu le ton du jeu, c’est à se demander si les erreurs ne sont pas intentionnelles.

Pour faire suite au ton humoristique du jeu, la musique est, comme vous l’aurez surement deviné, une série de pistes métal basique. Elle débute dès qu’un ennemi se trouve à proximité et se termine immédiatement lorsque la dernière menace est exterminée, qu’il soit pris dans un mur ou non. Quelques bonnes blagues se glissent musicalement par moment. Utiliser la moto pour la première fois, par exemple, fais jouer une pâle copie de Born to be wild de Steppenwolf. On reconnaît certaines mélodies utilisées dans le jeu précédent de Croteam ainsi que des décors. C’est à croire que les développeurs ont été extrêmement nonchalants ou qu’ils ont manqué de budget.

Le design des niveaux est donc, ainsi dire, en manque d’inspiration. On a souvent l’impression de voir et revoir les mêmes éléments. Parce que c’est le cas. Certaines arènes sont trop grandes et vides, sans bonne raison. Les voix des acteurs sont correctes, sans plus. Les cinématiques ne servent qu’à donner un contexte et n’ajoutent rien. Le mot d’ordre semble avoir été « strict minimum » pour l’ensemble du projet. Croteam est un peu comme cette personne qu’on a tous connu sur les bancs d’école. Celle qui est bourrée de potentiel, mais qui se contentait de la note de passage. C’est dommage. Serious Sam 4 aurait pu être un joyau, mais n’apparaît pas terminé. Les bases sont bonnes, mais la présentation, comme le reste du jeu, manque de polissage. Les développeurs ont promis de fournir les outils nécessaires à la modification du jeu dans un futur rapproché. Reste maintenant à savoir si la communauté des modders sera au rendez-vous.

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Crédit image: Croteam / Devolver Digital

Verdict sur Serious Sam 4

Serious Sam 4 est l’équivalent vidéoludique d’un film d’action acheté à rabais dans le présentoir devant les caisses du Tigre Géant (pour nos lecteurs français, c’est une chaîne de magasins bon marché qui stocke principalement un inventaire de liquidation). On sait pertinemment que l’expérience ne révolutionnera pas le domaine artistique, qu’on va grincer des dents et soupirer d’exaspération. Par contre, il y a un certain charme au travers de tout ce fromage et quelques moments brillants. Trucider, vague après vague, des hordes de monstres extraterrestres à l’aide de deux miniguns ne se démode pas, il faut croire. Serious Sam 4 est simplement un divertissement prosaïque dans sa forme la plus pure. On apprécie la nostalgie ou on passe son tour, sans grande perte.

Serious Sam 4: Sérieusement Superflu
"Serious Sam 4 est une parodie qui arrive, parfois, a arraché quelques sourires en coin et un occasionnel rire pour de bonnes et mauvaises raisons. Le jeu se veut un commentaire satirique, mais les pointes lancées manquent souvent la marque en tombant dans la facilité. Et pourtant, on peut finir par apprécier toute cette nullité grâce à un gameplay amusant, mais dépassé, où les viscères et les munitions volent sur un fond d’angoissants cris de kamikazes décapités."
6.5