Le monde entier est au courant, un nouveau film Star Wars va faire ses débuts ce mois de décembre 2016. Avec Rogue One : a Star Wars story, il n’est pas question de découvrir la suite de l’épisode VII mais de revenir un peu dans le passé de la saga puisque l’histoire se passe avant l’épisode IV ! Alors que la sortie du film approche, nous avons pu rencontrer son réalisateur, Gareth Edwards, lors d’une table ronde réunissant plusieurs médias. Vous retrouverez ci-dessous l’intégralité des questions et des réponses de cette interview de groupe.
Q : Vous avez tourné votre premier film avec 5 personnes. Celui-ci avec au moins 1 000 techniciens. Qu’est-ce que ça change ?
R : C’est étrange mais c’est à peu près la même chose. Le réalisateur sur une grosse production est dans une bulle, il est très protégé. Dès que je voyais l’équipe de 1 000 personnes, j’étais incapable de dire le nom de chaque personne, de savoir ce qu’ils faisaient les uns et les autres, je ne savais tout simplement pas. On est donc extrêmement protégé quand on est sur une grosse production comme ça. Les seules personnes auxquelles je parlais c’était les comédiens, l’assistant réalisateur et le directeur de la photographie. C’est donc assez dingue comme ambiance. Le premier film, comme vous l’avez dit, que j’ai réalisé était un film indépendant à très petit budget et après je suis allé tourner à Hollywood. Les deux systèmes ont leurs avantages. Sur une petite production, on vous demande comment vous êtes arrivé à faire tout ça avec peu de moyens et sur une grosse production, il faudrait qu’on vous demande comment vous êtes arrivé à faire de si bonnes choses avec tant de moyens. Parce que c’est difficile aussi de faire un film avec de gros moyens, avec la pression, la gestion. J’ai essayé de combiner les avantages des deux. J’avais un livre de règles avec le directeur de la photographie pour plus de liberté, pas de marque à terre pour les comédiens, des décors à 360 degrés. Et pour le premier jour, quand on a commencé à tourner, la caméra a pivoté sur elle-même et on avait 1 000 personnes dans le cadre et le lendemain, ces 1 000 personnes de l’équipe portaient toutes un costume de Star Wars. On a trouvé le plus de solutions possibles pour avoir de l’émotion, du spectacle surtout pendant les scènes de bataille.
Q : Comment on manipule une mythologie telle que Star Wars, une mythologie qui est déjà bien installée ?
R : Notre film avait un problème assez singulier, assez original. D’habitude on part d’une idée et on ne sait pas comment va finir l’histoire. Et là, on avait la fin, puisqu’elle est évoquée dans un autre épisode de Star Wars, mais on n’avait pas le début. On a donc du prendre la problématique du film à l’envers. J’ai par exemple essayé d’éliminer tous les éléments de science-fiction du scénario pour essayer de traiter l’histoire comme si c’était un film historique. C’est quelque chose qui m’intéressait. Il y a un moment dans le film où l’on parle d’une super arme, comme une arme nucléaire et il faut que les héros arrivent à la retrouver avant qu’elle ne leur échappe. Et je me suis rappelé de mes années de documentariste à la BBC où j’avais rencontré et interviewé l’inventeur de la bombe atomique et j’avais pu être témoin de ses regrets face à cette invention. Ce témoignage-là est pour moi la source d’inspiration pour la création du père de Jyn. Dans les Star Wars, il est souvent question d’une relation familiale, de la rébellion par les enfants et c’est en reprenant cette colonne vertébrale qu’on a trouvé la solution pour notre film.
Q : Pouvez-vous parler de votre collaboration avec le directeur de la photo Greig Fraser ? Il a travaillé sur Zero Dark Thirty, qu’a-t-il apporté à l’univers Star Wars ?
R : Quand j’ai commencé à travailler sur Star Wars, j’ai rencontré beaucoup de gens pour qu’ils fassent partie de mon équipe. Je devais leur parler et leur dire que je ne voulais pas du tout un look Hollywoodien, je ne voulais pas que ce soit glacé, je voulais que ce soit vivant. C’est quelque chose qui est compliqué à entendre pour un directeur de la photographie, je voulais du réalisme mais pas que ce soit un documentaire. Quand j’ai rencontré Greig, c’est lui qui a parlé le premier et il m’a dit exactement les mêmes choses. Il a un sentiment par rapport à son travail très artistique, très naturel, très organique et il a un sens de la composition qui est extraordinaire.
Nous avions donc sur le tournage un livre de règles avec des choses à ne jamais faire. On avait, par exemple, pour avoir le plus de réalisme possible, pour éviter les effets qui sont faits en post production, on avait monté nos décors de vaisseaux spatiaux sur des bras robotisés, autour d’eux on avait mis des écrans LCD à 360 degrés qui diffusaient les images enregistrées et on s’enfermait là-dedans pour tourner. Quand à la fin de la prise les portes s’ouvraient, il faisait chaud à l’intérieur et on avait oublié qu’on était à Londres. Greig a aussi réussi quelque chose d’assez fantastique et assez unique: il y a deux entreprises concurrentes dans le monde entier pour les objectifs de caméra et il a réussi à les faire travailler ensemble. On a réussi à trouver ce look très années 70, qui était très important pour moi, en utilisant un objectif anamorphique 70mm qui avait été utilisé sur Ben Hur et en le montant sur une caméra numérique d’aujourd’hui. On obtient donc ce grain, cette image des années 70. Et toute la beauté qu’on pourra, je l’espère, créditer à ce film vient de la collaboration avec Greig.
Q : On a vu avec les bandes-annonces qu’il y avait plusieurs nouveaux concepts qui avaient été intégrés dans le film, les Death Troopers par exemple. Comment avez-vous fait pour avoir un équilibre entre l’héritage de la saga et la nouveauté ? Comment avez-vous réussi à instaurer de la créativité dans un univers si connu des fans ?
R : Je suis moi-même un très très grand fan de Star Wars et quand j’avais 30 ans je suis parti en Tunisie visiter les décors et j’ai même dormi dans la maison de Luke Skywalker. Quand on commence à aborder et à travailler sur un film de Star Wars, on a envie de tout mettre dedans, absolument tout, et les producteurs doivent se dire on va le laisser mariner et comprendre que c’est beaucoup trop. Ils m’ont donc laissé quelques jours pour que je comprenne que c’était beaucoup trop et que le film durerait dix heures. On a commencé à concevoir le film en concevant les personnages. Il nous fallait tel personnage, tel autre personnage et c’est comme ça qu’on a progressé. En ce qui concerne les Death Troopers, il y a une scène où les Stormtroopers devaient vraiment être intimidants et il me semblait que le look d’origine n’était pas assez effrayant (dans sa réponse originale, Gareth Edwards mentionne même le fait qu’ils ne savent pas viser).
On avait besoin de quelque chose de beaucoup plus fort, de beaucoup plus musclé et il fallait consulter les archives de Lucasfilm et on regardait les premiers dessins qui avaient été faits pour le premier film et les Stormtroopers avaient un look très très cool. C’était les dessins de Ralph McQuarrie et quand on a essayé de changer ça, les gens m’ont dit qu’à partir du moment où l’on met une armure par dessus le corps de quelqu’un, tout de suite ça le rend boursouflé. Alors j’ai dit qu’on allait concevoir ces armures pour des acteurs qui sont extrêmement maigres et qui font 1m80 pour arriver à une autre silhouette. C’est vraiment l’étape du design qui est très amusante pour moi, il nous a fallu neuf mois pour concevoir le vaisseau, le personnage de K-2SO ça a été un an. On passe des mois et des mois à tout modifier et à polir. Je sais dès maintenant que les Death Troopers sont déjà dans tous les magasins et je sais que c’est quelque chose que je vais voir pendant toute ma vie. Pour moi le grand succès ce ne sera pas de voir ce qui va se passer quand le film va sortir le 14 décembre, c’est de voir si dans 15 ans il y a un gamin dans la rue qui porte un t-shirt avec un Death Trooper, alors là je dirai yes j’ai gagné !
Q : Quels étaient vos meilleurs moments et plus grands challenges pendant le tournage ?
R : J’ai beaucoup, beaucoup de moments, qui sont des moments extraordinaires que je pourrais raconter. Mais, la particularité avec Star Wars bien sûr c’est que c’est un tournage extrêmement secret, à la fin de la journée je ne peux pas raconter ce qui s’est passé sur Facebook. Comme on le sait, Dark Vador apparaît dans le film et le jour où j’ai tourné la scène j’avais envie de le dire à tout le monde ! Mes amis me racontaient leurs soucis de la journée et je ne pouvais pas leur raconter du tout. Ce que je peux vous raconter, c’est qu’un jour j’ai été en train de discuter d’une scène avec Felicity Jones (Jyn Erso) et soudain je vois arriver sur le plateau Mark Hamill (Luke Skywalker). Je lui ai dit « je suis incapable de te répondre, il y a Mark Hamill qui arrive » et je ne l’avais jamais rencontré, j’étais extrêmement ému. Il portait un t-shirt du film Godzilla, que j’ai réalisé juste avant et il a été très drôle et généreux. Chaque jour sur le tournage il s’est passé quelque chose comme ça. Ce genre d’expériences là, ça devient la routine. Ce qui m’est arrivé aussi, c’est qu’un jour je faisais une course dans un centre commercial et j’ai vu deux Death Troopers en carton et je me suis rendu compte qu’on était plus sur le tournage et que le monde entier voyait la pub pour le film. Tout d’un coup, ce qui avait été très personnel allait envahir le monde. J’ai l’impression que plus jamais je ne réaliserai un film avec une portée aussi dingue.
Q : Quel est le secret pour créer une alchimie entre les quêtes personnelles des personnages et la grande fresque dont ils font partie ? (Question Geeks and Com’)
R : Hum, cela pourrait prendre deux ans pour répondre à cette question. Ce que j’ai voulu faire, c’est avant tout un film de personnages et il y en a beaucoup dans ce film. Chacun est différent, ils ont chacun un but, une histoire. C’est ce que j’aime beaucoup dans le film. On raconte l’histoire du film à partir de ces héros et c’est ça qui a organisé le récit. Par exemple, je suis parti du personnage de Jyn en premier, puis il nous fallait un personnage qui représentait la croyance en la Force puisqu’il n’y a pas de Jedis dans ce film. On est aussi remontés aux influences utilisées par George Lucas et notamment La Forteresse Cachée de Kurosawa où il y avait deux agents qui étaient l’inspiration pour R2-D2 et C-3PO. On a continué cela en écrivant deux personnages qui incarnent la paix et la guerre, la croyance et la méfiance envers la Force (Baze Malbus et Chirrut Imwe). On a aussi l’impression que Bodhi devait jouer un personnage qui ne doit pas se retrouver là, comme celui joué par Dennis Hopper dans Apocalypse Now. Et à chaque fois qu’on rencontrait un personnage qui n’allait pas, on partait en réecriture et je suis content de l’équilibre qu’on a trouvé à l’intérieur de l’histoire pour tous ces personnages.
Q : Vous êtes connu pour une série BBC, un film indépendant et récemment Godzilla. C’est un succès quand même assez rapide pour arriver à Star Wars à ce moment de votre carrière. Comment vous avez vécu et appris que c’était vous qui avez été choisi, comment cela est-il arrivé ?
R : Par erreur ! (rires) J’ai d’abord cru que l’e-mail qui m’annonçait la bonne nouvelle était destiné à quelqu’un d’autre. J’avais réalisé un assez gros film juste avant effectivement, j’étais épuisé, j’avais besoin de vacances, j’avais envie de réfléchir à un projet différent pour la suite et puis j’ai reçu un e-mail de Lucasfilm. Moi qui voulait une pause et qui n’y croyait pas, on a commencé à en discuter. La première discussion j’ai pu dire que Star Wars était super et puis voilà. Ils m’ont envoyé, à ma grande surprise, un e-mail juste après cette rencontre avec deux idées. La première idée j’ai tout de suite dit non, ce n’est pas pour moi et la deuxième idée j’ai tout de suite aimé et ça avait un lien avec un film que j’adorais. A chaque réunion, je me disais qu’il devait y avoir d’autres réalisateurs en lice et en fait il n’y avait que moi. J’étais un peu parano, je ne pouvais pas en parler à ma famille et c’était Noël, on m’offrait des cadeaux Star Wars… Et puis j’ai reçu un coup de fil qui me disait qu’on allait signer et que ça allait être fait et que dix minutes plus tard tout le monde serait au courant. On m’a laissé donc choisir une personne à qui l’annoncer et j’ai appelé ma mère sur Facetime. Du coup j’ai pu prendre une capture d’écran du visage surpris de ma mère lorsque je lui annonce la nouvelle.
C’est toujours un plaisir d’entendre un créateur entendre parler de son oeuvre et on peut dire que Gareth Edwards a l’air d’avoir utilisé toute sa passion de fan pour réaliser celui-ci. Pour rappel, Rogue One : a Star Wars story sortira en France le 14 décembre 2016 et en Amérique du Nord le 16 décembre 2016. Restez connectés pour retrouver la critique sur le site !
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