Voici quelques notes des interventions d’un débat, organisé par l’Association Sorbonne Communication à l’Ecole Militaire, auxquelles j’ai pu assister dernièrement. Intitulé « La communication de crise », il avait pour sous-titres : gérer l’effet dominos; anticiper, piloter l’imprévisible; maîtriser les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Les intervenants étaient Patrick LAGADEC (Directeur de recherche à l’Ecole Polytechnique), Contre-amiral Olivier LAJOUS (Secrétaire d’Etat aux affaires d’outre-mer), Pascale GIET (Directrice de la communication chez Europ assistance) et Patrick CHAUVEL (Journaliste, photographe, documentariste de guerre).
Les interventions étaient très intéressantes mais on ne peut que regretter l’absence flagrante de la question des nouvelles technologies lors des débats, pourtant présente dans les sous-titres de la conférence. En effet, peu d’orateurs ont réellement abordé l’impact de celles-ci sur la communication de crise aujourd’hui (apports, adaptations nécessaires, nouveaux défis,…). On sentait leur présence en filigrane mais sans pour autant que les NTIC soient directement abordés.
Intervention de Patrick Lagadec, Directeur de recherche à l’Ecole Polytechnique
De plus en plus de techniques qui fonctionnaient plutôt bien par le passé sont dépassées aujourd’hui :
- Les événements ne rentrent plus dans les cadres traditionnels. Par définition une crise est la destruction des ancrages traditionnels, le problème de l’ignorance. Il se rajoute, aujourd’hui, un problème de surcomplexité des problèmes.
- Les socles sur lesquels les crises prennent place sont fragiles les uns par rapport aux autres. Ainsi, les crises se propagent dans des domaines de plus en plus nombreux et hétérogènes.
- Psychologiquement nous ne sommes pas calés….à cause de nos barrières mentales. Dès que l’on n’a plus la réponse alors on est perdu. D’une logique de réponse, il convient donc de passer à une logique de question.
Que faire ?
- Créer une nouvelle cosmologie des crises. En effet, la logique des années 80 n’est plus la même : elle ne fonctionne plus ou seulement par défaut.
- Introduire « les crises » dans l’enseignement.
- Mettre en place de vrais pôles stratégiques dans les organisations. Ainsi, chez EDF, une cellule a été crée pour se poser des questions (de quoi s’agit-il ? Quelles sont les erreurs à éviter ? …).
Il y a donc une véritable urgence intellectuelle et une certaine responsabilité à réapprendre les crises.
Intervention d’Olivier Lajous, Secrétaire d’Etat aux affaires d’outre-mer
L’incertitude est la règle car le monde est en crise en permanence. En effet, on ne sait jamais quand ça commence ou quand ça fini : il convient donc d’accepter l’incertitude.
Cependant, nos enseignements et le cadre social dans lequel on évolue nous font détester l’incertitude. Plusieurs éléments « d’expérience » sont à prendre en compte concernant la gestion de crise :
- Se connaître soit même (« il faut s’aimer suffisamment pour pouvoir aimer les autres ») mais également en tant que groupe.
- Connaître l’autre. Tant qu’on ne décode pas l’autre (repères, croyances,…), on ne peut pas le gérer mais si on avance sans s connaître soi-même alors on se perd.
- Voir la réalité : s’en tenir aux faits, lutter contre la subjectivité, être à l’écoute, croiser les regards et les expériences.
- Veiller et mesurer les risques (ne pas avoir peur) : rester en alerte pro active.
- Décider et s’engager. Le chef doit aider les autres à accepter l’incertitude. Ainsi, une fois la décision prise, le décideur doit s’engager et assumer. De plus, il doit aller à l’encontre de la déresponsabilisation.
- Décentraliser, coordonner et improviser. La crise est vivante/permanente et on ne la maitrise jamais totalement. Il convient donc de toujours rester disponible.
La crise est donc un triple défi :
- Intellectuel ;
- Existentiel ;
- Managérial.
Pascale Giet, Directrice de la communication chez Europ assistance
La gestion de crise chez Europ Assistance permet d’apporter une véritable vision opérationnelle. Ainsi, durant une crise, il est nécessaire de :
- Garder l’initiative. En moins de 30 minutes, il faut prendre la décision de mettre en place, ou non, une cellule de crise capable de reposer des questions avant d’apporter des réponses. En moins d’une heure, les interfaces dans les différents pays doivent être définis.
- Respecter les personnes. Le Tsunami en Asie du Sud-Est de 2004 a touché 16 sociétés clientes ce qui a conduit à mobiliser 150 collaborateurs chez Europ Assistance. Le sujet délicat de la vie et de la mort amène une « nouvelle » question à gérer : comment éviter le voyeurisme et rester transparent aux yeux de la presse ? Cette expérience a permis de mieux appréhender les crises suivantes par la mise en place de process, d’un document de questions/réponses,…
Patrick Chauvel, Journaliste, photographe, documentariste de guerre
Le métier de reporter de guerre est un métier qui change beaucoup aujourd’hui. La communication, notamment en période de crise, est en train de prendre de plus en plus d’importance dans les relations entre les « entreprises » et les journalistes :
- Avant, on ne nous connaissait pas tandis qu’aujourd’hui les journalistes sont intégrés dans les stratégies de communication (« on nous prête du matériel », « on nous donne des informations »,…);
- La communication est de plus en plus rapide. Les journalistes et les photographes n’ont plus le recul qu’ils pouvaient avoir auparavant (« on est aujourd’hui dans le monde de l’instantanée »).
- L’ennemi du reporter est le scoop. Notre travail consiste à rapporter des faits et éviter l’émotivité. La difficulté est de raconter ce qu’il se passe, de trouver la bonne distance car un journaliste ne peut intervenir. Il faut garder en tête l’impact de son travail, la résonance d’une voix/d’une image et a force que prends une image avec le temps (à la différence du scoop).