En 1993, Myst devenait le jeu PC le plus vendu de tous les temps. Un titre que l’œuvre a maintenu jusqu’en 2002, avant d’être éclipsé par le titanesque The Sims. Avec sa sortie, Cyan Worlds, la boîte derrière le phénoménal succès, révolutionnait la scène ludique en nous offrant une aventure énigmatique bourrée de puzzles dans un monde mystérieux, immersif et hautement narratif. Bref, l’anti-arcade. S’il n’y a aucun doute que la compagnie et ses fondateurs sont légendaires aux yeux de certains, les efforts des dernières années ont été plus mitigés. Cyan nous revient non pas avec un énième remake du trentenaire chef-d’œuvre, mais bien avec un tout nouveau jeu dans le même style : Firmament. Débordant de promesses, est-ce que le benjamin réussit à atteindre les sommets d’antan ou est-ce un dur rappel à la réalité que le monde a changé?
Fiche Technique
- Date de sortie : 18 Mai 2023
Une impression de déjà vu
Les jeux puzzle-aventure partagent un cliché narratif. Un protagoniste muet doit enquêter sur le monde qui l’entoure et découvrir le rôle qu’il y joue. Que ce soit Portal, The Talos Principle ouThe Witness… Seul le contexte et la méthode changent. Firmament ne réinvente pas la roue, mais n’arrive pas à atteindre le niveau d’excellence des précédents exemples.
Cette fois, le joueur incarne un Keeper, une sorte de concierge, chargé de maintenir 3 environnements drastiquement différents. À l’aide de son mentor et de son Adjunct, un outil multifonction servant à activer et contrôler des machines, on explore des constructions désertes et on enquête sur le destin des anciens occupants. Univers typique de Cyan, les lieux allient scènes naturelles sublimes à une architecture monumentale et complexe.
Cette juxtaposition des éléments combinés à la rétention d’information faîte par le seul autre personnage de l’aventure contribuent à entretenir l’énigme, mais n’entretient pas particulièrement l’intérêt du joueur. En effet, à quelques exceptions près, les révélations sont plutôt anodines, mais l’univers narratif est crédible et fonctionnel. Il est surtout dommage que la surprise initiale et l’envie de découvrir les lieux soient rapidement remplacées par un ennui profond alimenté par la redondance et la nécessité de constamment revenir sur ses pas.
Des puzzles à l’ancienne
Avec un protagoniste incapable du moindre effort physique, l’ensemble des interactions passent par notre adjunct. Capable d’alimenter et contrôler n’importe quel mécanisme, de la simple porte à une gargantuesque grue, le bidule est pratique, mais terne. Il ne s’agit que d’un simple interrupteur et, même si les lieux fantastiques réussissent à stimuler l’imaginaire, l’adjunct, lui, est lassant et sans inspiration.
Certes, on débloque des améliorations pour l’outil, mais ces dernières ne changent pas le gameplay drastiquement ou sont criminellement sous-utilisées. Les interactions avec le monde sont donc, dans l’ensemble, limitées à déplacer des structures sur différents axes afin d’établir (ou rétablir) les connections correctes ou à alimenter les infrastructures dans un ordre séquentiel donné. Certaines machines permettent divers types de manipulation, mais chacune est exécutée une à la suite de l’autre de manière complètement déconnectée.
On comprend que le monde créé par Cyan met l’accent sur la disparition des autres Keepers et que la machinerie devait être, à une certaine époque, opérée efficacement par plusieurs individus. Par contre, le résultat gameplay est plus frustrant qu’autre chose. Les puzzles manquent de rythme et les manipulations sont pénibles.
L’immensité des structures n’aide pas non plus à l’appréciation ludique. Cette dernière a pour conséquence de créer une omission d’information pour le joueur qui ne contribue pas à rendre le puzzle plus intéressant. Plutôt, elle crée une inutile et opaque complexité artificielle. En d’autres mots, il est très rare que nos capacités réflectives soient réellement mises à profit. La réalité est qu’il est souvent plus simple de forcer la solution en courant de connecteur en connecteur que d’essayer de comprendre les subtilités des énigmes.
Beau, mais…
Dans l’ensemble, Firmament fait bon usage des forces de l’engin Unreal. Les environnements gigantesques sont superbes et détaillés, quoique répétitifs. Par contre, cela ne nuit pas là la crédibilité des lieux. Il y a un sentiment d’étrangeté et de mystère qui règne tant dans les sommets enneigés de Curieville que dans les vallées verdoyantes de St. Andrew. Cyan est reconnu pour ses univers narratifs riches et Firmament ne fait pas exception à la règle.
La musique et les ambiances sonores sont en concordances avec le monde présenté, mais rien ne sort de l’ordinaire. Ce qui retient surtout notre attention, c’est les inégalités des interventions vocales de notre mentor. Cette dernière agit à titre de guide et fournit des informations sur les événements passés, mais il n’y a aucun doute que des erreurs de déclenchement sont toujours présentes dans la version qui a été jouée. Certains monologues n’arrivent pas aux bons moments, d’autres s’éternisent ou c’est le silence radio pour de longues périodes de temps.
Bref, le jeu est beau, mais est entaché par des pépins techniques. L’immensité des environnements finis également par nuire au sublime. Lorsqu’on doit traverser de long en large, aller-retour, les différents lieux, il est inévitable que l’on finisse par remarquer la réutilisation des différents modèles 3D.
L’importance de sauvegarder manuellement. Comme dans le temps!
Plusieurs bémols techniques viennent donc s’immiscer dans l’expérience. Il m’est arrivé à plusieurs reprises de tomber en dehors des limites jouables du jeu. Et ce, sans jamais vraiment chercher à ce que cela arrive. Une instance du problème de collision, particulièrement, aurait pu avoir de graves conséquences.
En effet, le jeu sauvegarde automatiquement. Suite à une manipulation de l’environnement, je suis tombé sous la carte. Jusque-là, rien de trop terrible. Après avoir rechargé ma partie, je me suis retrouvé dans la même situation. Incapable d’y échapper. J’étais maintenant voué à une chute éternelle dans le néant. Heureusement, j’avais manuellement sauvegardé quelques minutes plus tôt sur une plateforme sécurisée. Je vous conseille d’en faire de même. Et ce, souvent.
Verdict de Firmament
Au final, il n’y a aucun doute que Firmament est un jeu de Cyan Worlds. Par contre, le paysage ludique a beaucoup évolué depuis les succès originaux de la compagnie. On a droit, ici, à un jeu dont le potentiel est diminué par une mécanique principale trop restrictive menant à des interactions souvent pénibles. Le mystérieux univers narratif, de son côté, est certainement l’une des qualités du jeu, mais l’exécution technique et la navigation des environnements n’arrivent pas à appuyer les rares moments de génie. En bref, c’est un jeu recommandable pour les férus de jeu d’aventure des années 90s, mais tout comme ces derniers, Firmament manque de finesse et d’élégance dans son design.