Est-ce qu’il existe un qualificatif pour décrire un jeu paru entre 1990 et 1996? Vous savez de quoi je parle… Cette époque où Sierra et LucasArts se livrent une guerre sans merci sur le marché du point n’ click adventure? Celle où les JRPGs sortent aux deux semaines? Tout ça sur un fond de succès cinématographiques mettant en scène une chorale de violents criminels verbeux au sang-froid? Sinon, il faut l’inventer. Ce serait le meilleur terme pour décrire Sunday Gold, le petit dernier du très québécois BKOM Studios.
Fiche Technique de Sunday Gold
- Date de sortie : 13 octobre 2022
- Style : Aventure, RPG
- Classement ESRB / PEGI : Mature / PEGI 18
- Développeur : BKOM Studios
- Éditeur : Team17 Digital Ltd
- Langue d’exploitation : Anglais, Français et sous-titré en Italien, Allemand, Espagnol, Japonais, Coréen et Chinois
- Disponible sur PC
- Testé sur PC
- Prix lors du test :
- Site officiel
Sang, cigares et cyborgs
Sunday Gold se déroule en 2070, dans une Londres obsédée par les courses de chiens-cyborgs, les vols de grande envergure et la mode vestimentaire d’un siècle son aînée. Le joueur y incarne un trio de criminels traversant une période difficile alors qu’ils s’attaquent à la plus grosse corporation de la ville dans le but de faire de l’argent facile. Bien entendu, rien ne se passe comme prévu et le groupe se retrouve mêlé à une série de conspirations plus grandes que nature.
La trame narrative ne réinvente pas la roue. Les grosses corporations sont des méchants contrôlant le monde entier et les criminels sont les seuls à pouvoir les arrêter. Si au départ, Sunday Gold porte une attention particulière à Frank, le leader de facto et perpétuel fumeur de cigare en redingote, l’attention transite rapidement vers le trio dans son ensemble. Frank est un criminel tout droit sorti d’un film des années 70 : trop cool pour être vrai. Sally est une brute au cœur tendre. Gavin est un génie informatique vindicatif et anxieux, spécialiste des explosions.
Si les personnalités, sur papier, sont assez différentes, les motivations de chacun sont vagues et diffuses. Certes l’appât du gain et la vengeance, au départ, sont les motivations principales de nos héros, mais suite aux événements déclencheurs, il est difficile de croire que les personnages agiraient de la façon qu’ils le font, au fur et à mesure de leurs découvertes. S’ensuit une série d’événements qui arrivent « juste, parce que ». Sans que jamais le conflit soit ressenti de manière personnelle par les protagonistes.
Certaines trames ouvertes ne seront jamais bouclées. Gavin, par exemple, est l’une des victimes de ce genre de fautes. Tôt dans l’histoire, on apprend qu’il a vécu un épisode psychotique alors qu’il travaillait pour Hogan industries (les gros méchants). On y fait allusion à plusieurs reprises, on laisse sous-entendre qu’il n’était pas totalement responsable de ses actes, mais jamais une conclusion satisfaisante n’est atteinte. En d’autres mots, les personnages n’évoluent pas au gré de l’histoire. Ils sont unidimensionnels et n’ont pas, à proprement parler, d’arc respectif.
Ultimement, Sunday Gold s’éparpille. La loi du cool l’emporte, par moment, sur la logique. Si certains dialogues démontrent une certaine sincérité, d’autres agissent comme un flux d’informations expositoires sans aucune subtilité. Malgré cela, les personnages charment assez pour motiver les joueurs à terminer l’aventure aux allures de bédé.
Ajouter deux vieux genres et un peu de sucre en poudre!
L’aventure se décline en un prologue-tutoriel et 3 chapitres au cours desquels le joueur est invité, principalement, à résoudre des énigmes de collecte/association d’objets. Chaque personnage possède un bassin de points d’actions, une jauge de stress (modifiant l’interface utilisateur, si le joueur n’y porte pas attention) et des habiletés uniques qui lui permettent d’interagir avec l’environnement. Il en revient donc au joueur de gérer les ressources de chacun afin de maximiser ses actions et utiliser chaque personnage à bon escient. Lorsqu’il n’a plus de point à dépenser, le joueur doit passer au tour suivant.
En plus de récupérer les points dépensés, une jauge de suspicion augmente à chaque utilisation. À ce moment, le joueur s’expose à une attaque aléatoire de la part des ennemis. Plus la jauge est haute, plus les chances de se faire attaquer sont grandes. Le gameplay passe, dès lors, d’un jeu d’aventure point n’ click typique à une séquence de combat tour par tour relativement difficile qui n’est pas sans rappeler les vieux Final Fantasy. C’est la solution originale trouvée par les designers de Sunday Gold pour s’attaquer à un problème classique du genre : punir le joueur tentant de forcer les solutions aux puzzles en essayant n’importe quoi.
Les affrontements utilisent le même bassin de points d’action que précédemment. Chaque personnage peut attaquer avec l’une de ses armes – une de mêlée et une arme à feu – ou encore utiliser une panoplie d’habiletés spéciales plus chérantes, mais ayant un ou des effets bonis bénéfiques. Afin de récupérer des points d’actions en combat, le joueur peut adopter une position de défense minimisant les dégâts. À cela s’ajoute une panoplie d’objets trouver lors des phases d’explorations permettant de récupérer de la vie ou réduire le stress, lancer des grenades ou encore soigner/infliger un statut indésirable.
Le système de combat de résistance à la « roche-papier-ciseau » possède quelques subtilités qui ajoutent de la profondeur, mais souffre d’un problème majeur. Il devient rapidement lassant et répétitif. On affronte constamment les mêmes ennemis en utilisant les mêmes stratégies. Et rien ne nous oblige à terminer les querelles le plus rapidement possible.
Au contraire, je vous suggère fortement de garder un seul ennemi à l’article de la mort et de profiter de l’occasion pour terminer la baston avec un maximum de point d’action, de points de vie et avec une jauge de stress à 100%. Rien n’est plus frustrant que de terminer un combat pour réaliser que les points d’actions de tous les personnages frôlent le nul et devoir risquer retourner dans une autre mêlée sans avoir progressé un tant soit peu. Cela dit, le combat sert surtout à marquer les moments de progression narrative du joueur à l’aide de boss.
Le joueur se voit attribuer des points d’expérience pour chaque succès, tant dans la résolution de problème qu’en affrontant des ennemis. Ces points permettent à chacun des personnages de monter de niveau (jusqu’à un maximum de 10). En plus d’améliorer les statistiques de base, il est possible de personnalisé son gameplay en améliorant ses habiletés tant de combat que celles facilitant les phases d’exploration en offrant de nouvelles options d’interactions. S’ajoute à cela de l’équipement modifiant le type de dégât, ajoutant de l’armure et améliorant les différentes statistiques des personnages.
Le mélange des genres point n’ click et RPG tour par tour, au final, fonctionne bien, mais certains défauts des genres restent. Il arrive que l’on se retrouve à tourner en rond, en quête de la pièce manquante du puzzle. Pas parce que la logique nous échappe, mais parce qu’un objet interactif est perdu au travers de la scène dépeinte. Il arrive également que le combat s’éternise parce qu’on a investi sur une certaine habileté au lieu d’une autre ou simplement parce qu’on doit regarder, pour la centième fois, la même animation.
Verdict de Sunday Gold
Sunday Gold est un court jeu bourré de charme et d’idées. Le jeu réussit à allier les genres d’une manière peu commune. Il évite par contre d’atteindre l’excellence en commettant quelques faux pas tant narratif que ludique. Sans hésitation, il serait intéressant de revister les personnages dans un opus futur. On a ici une base, bien stylée, qui, avec un peu de peaufinage, pourrait être un jeu fort intéressant, si ce n’est qu’il est inégal dans son exécution.
L’aventure , en conclusion, brille surtout par la tension qu’apporte sa gestion de ressources tant lors des combats que lors des phases d’exploration. Le jeu challenge les joueurs refusant de s’arrêter un instant pour réfléchir aux conséquences de leurs actions. Et c’est là que la magie opère. Le stress est réel et on ne peut s’empêcher de sentir une certaine forme de gravité aux actions que l’on décide d’accomplir. Sunday Gold réussit à mettre au goût du jour deux genres qui ont fait leur temps à l’aide d’une touche personnelle réussissant à garder l’intérêt du joueur, mais sans pour autant nous abasourdir.