Il y a cinq ans de cela, Eidos Montréal sortait Deus Ex Human Revolution et ressuscitait la célèbre franchise créée par Warren Spector. Un risque assumé qui a accouché d’un jeu très intéressant à la direction artistique digne des plus grands. Après quelques mois de réflexion, le studio décide de repartir pour un tour et de conserver Adam Jensen, le héros augmenté créé par les équipes d’Eidos. Pendant 4 ans et demi, c’est donc sur une suite directe qu’ont planché les développeurs. Le but ? Poursuivre l’aventure en corrigeant les soucis du premier jeu, tout en proposant encore plus de libertés au joueur, une direction artistique toujours aussi forte, et une écriture au niveau. Le défi de la suite réussie est-il validé ? Réponse dans ce test.
Fiche technique
- Date de sortie : 23 août 2016
- Style : Rpg/Action/Infiltration
- Classement ESRB/PEGI : ESRB M/PEGI 18
- Développeur : Eidos Montréal
- Éditeur : Square Enix
- Langue d’exploitation : textes multilingues, voix multilingues
- Disponible sur PC, PlayStation 4 et Xbox One
- Évalué sur PlayStation 4
- Prix lors du test : 79,99 $ CA/44,99 à 54,99 € sur Amazon
- Site officiel
- Version envoyée par l’éditeur
Deux ans plus tard…
Human Revolution se déroulait en 2027, alors que les augmentations avaient dépassé le stade purement médical pour devenir un véritable fait de société. Les entreprises sont florissantes, comme celle ou travaillait Adam, Sarif Industries, et de très nombreuses personnes n’hésitent plus à se faire augmenter, notamment les ouvriers et les sportifs. Cependant, l’accident de Panchaïa a piraté tous les augmentés et provoqué un véritable bain de sang. Deux ans plus tard, nous retrouvons Adam Jensen à Prague, alors qu’il a rejoint l’unité spéciale d’Interpol, la Task Force 29, chargée de traquer les terroristes sur l’ensemble du globe.
Seulement voilà, en 2029, la population s’est retournée contre les augmentés qu’elle juge responsable des drames de 2027. Etats policiers, ségrégation, ghettos, la vie est devenu un enfer pour ceux qui étaient jadis à la pointe du progrès. Conséquence de tout cela, divers groupes défendant les droits des Augmentés n’hésitent pas à faire du bruit, et certains extrémistes n’ont plus de remords quant à l’idée de perpétrer des attentats pour faire payer les gouvernements et les anti-augmentations. Au milieu, Jensen joue un double jeu en ayant également rejoint un groupe de défense des droits des augmentés, et va continuer à fouiller pour remonter jusqu’aux Illuminatis, dont il a découvert l’existence dans Human Revolution. Deus Ex Mankind Divided, c’est l’histoire d’un monde en perdition, révélant les pires facettes de l’humanité, pendant que des puissants jouent aux échecs sur la carte du monde.
De l’évolution du gameplay
Côté gameplay, Mankind Divided repose sur les mêmes bases que Human Revolution. On retrouve donc ce mélange des genres composé de RPG, d’action et d’infiltration, donnant une véritable liberté d’approche au joueur pour ses missions. La structure consiste à se déplacer vers sa mission et l’accomplir. Là où ça devient intéressant c’est qu’entre les étapes, le joueur est absolument libre de faire ce qu’il veut et les nombreuses voies d’approche permettent de se créer une expérience à la carte en fonction de ses envies. Furtif, destructeur, létal mais discret, tout est laissé à la volonté du joueur. Plus encore que dans Human Revolution, Mankind Divided ouvre ses espaces et gratifie presque équitablement chaque manière d’aborder le jeu. Les obstacles à passer ont toujours plusieurs solutions : grilles d’aération, digicodes à pirater, gardes à éliminer. Et dans ces solutions, plusieurs variantes : récupérer un code d’accès sur un garde ou dans les données d’un ordinateur, assommer ou tuer, détruire aux explosifs une porte. Tout est très bien harmonisé afin que le joueur ne se sente jamais obligé de suivre une voie plutôt qu’une autre.
Cela est possible par une grande maîtrise du level design. Eidos pousse cette science encore plus loin et tutoie la perfection dans le sens où il sert le gameplay et inversement de manière magistrale. Comme à son habitude, la manière dont le joueur va parcourir l’aventure peu radicalement faire varier les issues du scénario, qu’on aurait aimé moins expéditif sur la fin, mais nous y reviendrons. Par exemple la jouer diplomate peut vous éviter des combats compliqués et obtenir des informations précieuses, changeant l’orientation de l’histoire. Si ces changements sont quasiment imperceptibles au début, on sent une véritable montée en puissance au fil des heures, alors que les conséquences de nos choix nous tombent sur le coin du nez sans trop prévenir.
Si vous aviez gardé un bon souvenir de la mission du commissariat dans Human Revolution, vous serez gâtés, puisqu’il n’y a pas de missions proposant moins bien en terme d’approche. On pourra par exemple citer cette mission demandant d’accéder à un personnage important, mais laissant la possibilité d’effectuer des quêtes parallèles afin d’obtenir des accès simplifiés. Mais il sera tout aussi possible d’ignorer tout cela et de chercher les accès par les conduits, les plafonds, ou quelques voies dérobées. Vous pouvez aussi y aller façon Rambo en modifiant vos armes comme vous pouvez le voir ci-dessous. Cela demande de récolter des pièces détachées et des éléments d’armes dans l’univers. C’est anecdotique, mais l’inspiration Crysis est bienvenue.
Passons rapidement sur le mode Breach, pensé pour pousser le gameplay dans ses derniers retranchements. Doté d’un petit scénario plaçant les hackers dans un piratage en réalité virtuelle, il vous met dans un univers épuré, inspiré de Tron et rappelant SuperHot. Le but est d’accomplir des missions en utilisant tout le gameplay présent dans le jeu de base et de comparer ses scores dans les classements en ligne. De plus, un système d’expérience permet de débloquer diverses armes, augmentations et donc de jouer avec certaines que vous auriez laissé de côté dans l’aventure principale. Le level design est tout aussi bien pensé que celui du jeu principal et on ne peut pas bouder son plaisir face à ce mode mettant au défi et permettant de découvrir d’autres manières de jouer. En plus, ça rajoute du contenu, de la durée de vie, sans être purement accessoire. Il y a un véritable intérêt à se pencher sur le mode Breach.
Une écriture qui implique et harmonieuse
Là où Deus Ex Mankind Divided était particulièrement attendu, c’était au niveau de son écriture, et sur ce point, il dépasse sans forcer ce que proposait déjà le très bon Human Revolution notamment grâce à ses histoires parallèles. Si la quête principale s’autorise moins de variantes et un peu feignante sur sa conclusion, elle reste très bien écrite et on s’interroge en permanence sur la suite, les personnages et les enjeux en présence brouillant régulièrement les cartes. L’idée de placer Adam Jensen dans une double position oblige régulièrement le joueur à effectuer des choix et s’interroger sur l’honnêteté de chacun et le bien-fondé de leurs actions. Là ou le titre excelle encore, c’est dans ses quêtes secondaires qui n’en ont que le nom tant elle savent dévoiler d’autres aspects d’une intrigue finalement tentaculaire.
Pas question de quêtes au rabais dans laquelle notre héros est porteur de colis, toutes ont un aspect scénaristique la raccrochant au wagon de la trame principale. Il faut d’ailleurs souligner la longueur de certaines, qui vont suivre le joueur sur quasiment l’ensemble du titre, relançant régulièrement l’intérêt pour l’exploration de Prague, hub central du titre. Concernant Prague, il y a des choses à faire partout, des quêtes, des vendeurs, des accès réservés aux missions mais qu’on peut tenter d’explorer et surtout des détails partout, renforçant l’univers. On regrettera seulement ces très nombreux aller-retour en métro, qui deviennent assez usants sur la durée, d’autant plus que ces chargements déguisés ne permettent pas au jeu d’atteindre une fluidité optimale. Dans Mankind Divided toute la narration est imbriquée, évite le remplissage inutile et est surtout servie par le level design, renforcée par le gameplay.
Une IA qui a ses fulgurances mais…
Dans les jeux incitant à l’infiltration, le comportement de l’IA est souvent déterminante du plaisir manette en main. Malheureusement, celle de Mankind Divided est beaucoup trop permissive et, à condition de ne pas tomber dans le champs de vision, il est assez facile de se débarrasser des gêneurs, même en mode difficile. Pourtant, dans certaine situation, elle se montre monstrueusement intelligente en cherchant à contourner par plusieurs chemins afin de vous coincer. Cependant, ces instants sont trop rares.. Conséquences de mécaniques parfois datées, les détections dégénèrent souvent et leurs résolutions et aléatoire. Autant l’alerte va parfois s’arrêter nette, autant parfois il va falloir attendre de longues minutes sans qu’on sache trop pourquoi… Pas de quoi ruiner le gros plaisir que procure le titre, mais le sentiment grisant de réussir à traverser une zone sans se faire voir est amoindri. Dommage.
De victime à machine de guerre
Adam Jensen était très préoccupé par son corps augmenté contre sa volonté dans le première opus. S’interrogeant sur son humanité, il acceptait relativement mal d’être devenu une machine. Deux ans après, on retrouve un homme bien dans ses augmentations, conscient de la puissance qu’il a en lui. C’est cette nouvelle approche qui permet d’introduire l’inventaire, et les arbres de compétences. L’inventaire conserve son aspect old-school avec sa gestion par case mais se gère automatiquement et se révèle simple d’utilisation. Les arbres de compétences en font de même. Plus simple à utiliser, ils participent eux aussi au développement narratif.
Au tout début du jeu, Adam découvre qu’il avait des augmentations qui sommeillaient en lui, l’occasion pour le studio de les introduire. Si on retrouve beaucoup des augmentations de Human Revolution, les nouvelles ouvrent d’autres perspectives pour assouvir ses envies d’espion invisible ou de machine de guerre. Apparition d’une nano-lame à projection, de piratage à distance, de la fameuse armure recouvrant entièrement notre héros, etc. Rien de révolutionnaire, mais des ajouts permettant d’étendre un peu plus le spectre des possibilités. Pour les obtenir, deux moyens : d’une part l’expérience gagnée en fonction des actions , qui permet de débloquer les points de compétences (les fameux Praxis), et de l’autre, en les achetant ou en les découvrant dans le décor.
Ces points sont ensuite à dépenser pour débloquer ou améliorer les augmentations. Particularité, l’apparition d’un pourcentage indiquant la « charge » des augmentations sur le corps de Jensen. Ainsi, au bout d’un certain nombre de compétences activée, le joueur devra en désactiver d’autres pour ne pas subir des problèmes de systèmes (la mini carte qui disparaît, la jauge d’utilisation des augmentation n’indiquant plus son niveau etc)
La technique ne fait pas tout
Deus Ex Human Revolution ne brillait pas vraiment pour son moteur graphique ni sa technique globale. C’est une nouvelle fois le cas sur Mankind Divided avec un moteur, le Dawn Engine, certes plus lisse, mais extrêmement gourmand et faisant régulièrement ramer le jeu, surtout dans les rues de Prague. Sur Playstation 4, de nombreux soucis viennent émailler le jeu. Un framerate souffreteux, des fourmillements sur certaines textures, et des soucis d’affichage sur l’arrière plan. Si en intérieur, on retrouve de la fluidité sans sacrifier aux détails de l’environnement, les extérieurs sont nettement moins agréable à parcourir avec parfois des micro-freeze. Rien de rédibitoire, mais avec un moteur qui n’est pas à la pointe, on aurait été en droit d’attendre une optimisation aux petit oignons.
Mais la direction artistique peut beaucoup
Comme dans Human Revolution, c’est la direction artistique qui donne un véritable cachet au titre et lui donne toute sa dimension. Les teintes noir et or sont quelque peu délaissées pour du bleu/gris, plus apte à retranscrire l’ambiance voulu par Jonathan Jacques-Belletête et ses équipes. Ainsi, Prague dispose d’un véritable cachet, quant Golem City révèle toute la créativité des artistes. Malgré le moteur, on se surprend à trouver certains environnements magnifique grâce à cette direction à toute épreuve. Le travail sur l’univers est quant à lui proprement hallucinant. Il fourmille de détails, d’objets, de journaux, de mail à lire, le tout donnant une véritable impression de vie alors que finalement, on ne peut pas dire que les pnj soient extrêmement nombreux. Bref, techniquement, c’est pas ça, artistiquement, c’est du très très haut niveau.
Côté prise en main, le titre souffle le chaud et le froid. Si les déplacements ont été revus et qu’ils permettent de passer de couverts en couverts facilement, ils sont un problème dès lors que l’on est pas dans le bon angle. Par exemple, si on cherche à grimper sur un élément du décors ou grimper dans une aération, il vaut mieux être parfaitement en face sous peine de devoir s’y reprendre à plusieurs fois. A contrario, la prise en main des menus radiaux, se fait assez facilement, quand bien même la répartition des boutons demandent un temps d’adaptation. Le studio le savait, et propose donc plusieurs prises en mains différentes selon votre ressenti.
Conclusion
On ne demandait pas à Mankind Divided de réinventer la roue. Ça tombe bien puisqu’il ne le fait pas. Il améliore ses mécaniques, approfondi le gameplay et raconte en mieux son histoire malgré un final un peu expédié. Malgré ses soucis techniques, son IA trop permissive et sa prise en main parfois agaçante, Deus Ex Mankind Divided est un très bon jeu. Par son aspect immersif, son scénario qui monte en puissance, son level design divin et ses thèmes abordés plus que pertinent en ce moment, il réussi à surpasser son aîné dans de nombreux domaines. Fait assez rare dans l’industrie du jeu vidéo récemment, Mankind Divided est une excellente suite qui réussi à sublimer ses principes pour amener son gameplay et son level design dans une autre dimension. Finalement, il ne manque pas grand chose à ce Deus Ex pour passer de très bon jeu à chef d’oeuvre. Pari tout de même réussi pour Eidos Montréal qui confirme une nouvelle fois qu’il était tout à fait légitime pour faire renaître de ses cendres Deus Ex. Seulement maintenant, on en veut encore plus…REVIENS ADAM.