Bravely Default fut un retour aux sources fructueux pour Square Enix. Œuvre vidéoludique imprégnée d’une aura très old school, le titre de Tomoya Asana et de Akihito Yoshida aura su marquer son public, tant par ses mécaniques de combat bien rodées que par sa direction artistique particulière, mélangeant 2D et 3D. Le résultat : Nintendo et Square Enix avaient réussi à nous proposer un jeu tout droit sorti originalement de la saga Final Fantasy (The 4 Heroes of Light étant plus ou moins l’antépisode), mais typiquement culte et unique en son genre. Alors que l’équipe de développement a changé en partie, voyons maintenant si Bravely Second : End Layer arrive à atteindre le niveau d’exigence requis, imposé par son illustre ainé.
Fiche technique de Bravely Second : End Layer
- Date de sortie : 23 avril 2015 (Japon), 26 février 2016 (Europe), 15 avril 2016 (Amérique du Nord)
- Style : J-RPG
- Classement ESRB/PEGI/CERO : ESRB T / PEGI 12 / CERO C
- Développeur : Silicon Studio
- Éditeur : Square Enix / Nintendo
- Langue d’exploitation : Voix en anglais ou japonais, textes en français
- Disponible sur Nintendo 3DS
- Évalué sur New Nintendo 3DS XL
- Prix lors du test : N.C. $/39,99 € sur Amazon
- Site officiel
- Version envoyée par l’éditeur
The Ballad of the Three Cavaliers
Mais avant d’aller plus loin, un petit aparté s’impose : arrêtons-nous quelques instants sur la démo. Mais si, vous savez, ce genre de contenu qu’on désigne sous le terme beta dernièrement. Bien que Nintendo ait l’habitude d’en sortir sur l’eShop, encore et toujours, la firme de Kyoto a particulièrement bien fait les choses concernant Bravely Second. Pas moins de 10 heures de jeu sont proposées à la personne désireuse de s’hasarder dans l’univers de l’œuvre. Avec un tas d’objets à débloquer pour l’aventure principale, vous pourrez ainsi vous familiariser avec le système de combat et la richesse de contenu proposer pour ce morceau gratuit d’expérience vidéoludique. Et pour peu que vous souhaitiez trouver tous les secrets cachés, ainsi que maximiser vos statistiques et Jobs, une bonne vingtaine d’heures sera nécessaire. De quoi faire pâlir certains jeux, pas vrai Metal Gear Solid V Ground Zeroes ?
Ce prologue pose des bases de scénario intéressantes pour la suite et propose une histoire inédite, absente de l’œuvre principale. Mais vous remarquerez rapidement que les deux péripéties sont connectées entre elles. Pour ceux qui n’ont pas accès à ce contenu, nous avons décidé de le résumer. Donc, si vous ne souhaitez pas être spolié de l’intrigue de cette démo, sautez au prochain chapitre de ce test, qui traitera directement de Bravely Second : End Layer, et garanti sans spoil aucun.
Tout va mal à Al-Khampis depuis que de nombreuses manifestations étranges se sont produites : catastrophes climatiques, hausse d’attaques des monstres dans la région, et divers contextes problématiques sont devenus légions et récurrents. C’est pourquoi la Papesse Agnès, qui n’est autre que l’un des personnages principaux de Bravely Default, envoie ses meilleurs hommes afin d’enquêter. Ce sont donc Nikolaï, Yew et Janne, membres de la Garde du Cristal, et nos nouveaux protagonistes qui se retrouve plonger au cœur de ce fléau. Une fois le contact réussi avec leur guide, la frenchie Magnolia, le groupe se renseigne auprès de la population locale sur les soucis rencontrés par Al-Khampis. Après avoir résolu les divers mystères et détruit une multitude d’ennemis tout aussi fort qu’impressionnant, la paix est revenue dans la cité. Malheureusement pour Yew et ses amis, Magnolia disparaît. Ne pouvant interagir que pendant la présence d’une bête féroce, son but étant de l’éliminer, la guide n’était plus nécessaire à Al-Khampis. Elle finit par littéralement s’effacer de cette réalité, rendant ainsi amnésiques nos héros, et ne laissant à Yew qu’une simple fleur en guise de remerciement pour leur aide.
Retour à Luxendarc
Si vous n’avez jamais touché à Bravely Default de votre vie, soyez sans crainte. Le jeu commence en effet avec un résumé du prédécesseur de Bravely Second, dont l’histoire prend place deux ans avant, pour que les nouveaux arrivants appréhendent l’univers dans lequel ils viennent de rentrer. Néanmoins, vous passerez à côté de pas mal de nuances et d’informations qui pourraient vous simplifier la compréhension de l’intrigue du jeu. N’hésitez donc pas à vous jeter sur le premier opus pour combler les quelques lacunes restantes.
L’action commence in medias res avec l’attaque du Kaiser Oblivion sur l’Orthodoxie cristalline, à Gathelatio. Ce souverain de l’empire de Glanz réussi à se débarrasser de la plupart des membres de la Garde, dont Yew Généolgia, grièvement blessé et l’un des seuls rescapés. La papesse Agnès Oblige étant enlevée, Yew décide d’aller la secourir, aidé par ses compagnons de voyage Nikolaï et Janne, reformant ainsi le groupe des Trois Cavaliers. Et… nous n’expliciterons pas plus le scénario vu certains retournements scénaristiques, à la limite du spoiler.
Soyons honnêtes, la trame principale fera hurler une partie des fans, sans être non plus tout à fait une déception. Elle n’a rien de très original, malgré tout, nous sommes très loin de l’effet stéréotypé à mort de certains J-RPG. Mais loin de la maestria avec laquelle Bravely Default avait réussi à construire son intrigue, ici seule la mise en scène propose quelques moments de bravoure au titre. Et tout ceci est dû en partie à la longueur du jeu, une soixantaine au bas mot. La narration est poussive au possible, et on passe le plus clair de son temps à farmer un maximum pour aller taper sur les différents boss. Ce qui nous fait vite sortir de tête les convictions et ambitions de ce cher Yew.
Cependant, Silicon Studio incite le joueur à posséder une certaine empathie envers ses personnages. Ces derniers restent moins profonds que le quatuor de Bravely Default, mais force est de constater que la plupart font preuve d’une personnalité singulière. Bien que certaines tirades ne fassent pas mouche, teintés de niaiserie lors de moments forcés — ceux à l’eau de rose notamment — et bien que l’humour omniprésent manque cruellement d’impact — à la limite du ridicule — les dialogues arrivent à créer un fil rouge plaisant, le tout en intégrant parfaitement les têtes connues de la licence. Bravely Second surprend à nous faire rentrer dans son monde, tout en démontant admirablement les ses propres défauts et situations absurdes, ainsi que ceux du précédent épisode. Et ce n’est peut-être pas dû à autre chose que ce simple fait : Bravely Second est un DLC vendu plein pot de Bravely Default, et le revendique pleinement.
Bravely Default 1.5
Car si vous espériez y découvrir une originalité débordante, vous risquerez d’être lourdement déçu. Pour peu que vous ayez déjà parcouru l’intégralité de Luxendarc avec Tiz, Agnès, Ringabel et Edea, beaucoup d’endroits vous sembleront familiers. Et pour cause : hormis diverses améliorations et modifications, les deux tiers des assets graphiques, au moins, proviennent de Bravely Default. Vous retrouverez ainsi les donjons du jeu, des ennemis principaux inchangés, ou encore les villages explorés avec les mêmes décors.
Mais rassurez-vous, les nouveaux lieux valent tout de même le détour, avec un travail prononcé sur les couleurs, l’environnement et l’ambiance, pour coller à la perfection à ce qui était proposé à l’époque, tout en y imposant une diversité palpable, touchante. Entre cités orientales, sociétés médiévales et villes aux allures asiatiques, il n’est pas rare de s’arrêter de longues minutes pour admirer la qualité artistique de jeu. Un travail toujours aussi impressionnant et qui reste dans la lignée de ce qu’instaurait le grand frère de Bravely Second.
Ce qui n’est pas vraiment le cas de la bande-son. Puisque Revo n’était pas disponible pour cette suite, c’est Ryo, leader du groupe Supercell, qui se colle à la tâche. N’y allons pas par quatre chemins : nous sommes loin de la qualité que proposait Bravely Default. Pire, vu que la plupart des thèmes initiaux sont de retour, la différence est flagrante. L’ajout des voix synthétiques, de plus, ne plaira pas à grand monde. Néanmoins, les compositions semblent plutôt correctes, bien que trop répétitives à mon goût.
Système de Combat 2.0
Pourquoi changer le gameplay lorsque la recette fonctionne ? Aucun intérêt me direz-vous, il faut avouer que tenter de s’attaquer au système de combat, par exemple, était une entreprise assez casse-gueule. Pour autant, Silicon Studio n’en fait qu’à sa tête, et s’est permis d’aller titiller gentiment l’ensemble. Pour un résultat, ma foi, assez probant.
Mais commençons par un rappel rapide des bases. Cette licence se repose sur le mode Tour par Tour. Les capacités des personnages et les équipements appropriés sont déterminés par leur classe principale — leur Job — que l’on peut mixer avec une catégorie secondaire, un peu plus restrictive. Votre avatar pourra donc attaquer, utiliser des objets, une compétence spéciale, ou alors parer. Hormis cette dernière, chaque acte consomme votre jauge de BP. Vous pouvez réaliser jusqu’à 4 actions pour chaque personnage grâce à la fonction Brave, mais vous ne pourrez régénérer que d’un point votre jauge après chaque tour, et tout début de cycle de combat à score négatif vous pénalisera par l’impossibilité d’effectué quoi que ce soit en début de tour. Default (Parer) vous autorise néanmoins à passer votre tour en vous défendant, mais ajoutera à votre cumul 1 BP supplémentaire. Sans compter qu’il vous sera possible de figer le temps, l’action Bravely Second, pour attaquer en priorité, mais cette action est aussi soumise à une barre BP se remplissant uniquement après plusieurs heures réelles (ou par micro transactions). Tout ceci vous permettra de planifier vos différentes stratégies d’attaques et de protection, ce qui ne sera pas un luxe.
Concernant les nouveautés, tout combat terminé dès le premier tour allié sera récompensé d’une joute en prime. Certaines seront imposées, d’autres au choix du joueur. Il faudra cependant y faire très attention. Si les bonus engrangés, en fin de compte, sont plus importants, vous mettrez rapidement vos comparses en danger, puisque vos actions utilisées ne pourront être régénérées lors de ces transitions de combat. De ce fait, si votre nombre de BP est négatif, il vous sera obligé d’attendre la récupération des points nécessaires. D’une part, cela brisera votre chaîne de réussite (limité à une expansion d’expérience à 300 % du gain initial), mais aussi, vous mettra en position très inconfortable face à l’ennemi qui suit.
Les Jobs ont, de même, été revus. S’il faut toujours obtenir les astérisques adéquats pour se les procurer, se seront les quêtes secondaires qui vous en donneront la possibilité. Laissant finalement un choix cornélien, mais non définitif grâce au New Game +, sur la priorité de récupération de ces classes de personnages. Mais tout l’intérêt des ajustements de Bravely Second réside dans le mélange des jobs, beaucoup plus libre et encore plus stratégique qu’à l’époque. Offrant ainsi une pléthore de combinaisons possibles qui devrait ravir les sceptiques, et rendant les combats beaucoup moins dirigistes. En d’autres termes, les subtiles modifications apportées au gameplay dynamisent grandement son potentiel, et viennent contrebalancer la sensation de redondance dans notre progression.
Conclusion
C’est donc avec une impression de réchauffé que nous progressons dans Bravely Second. Il est clair que Square Enix a souhaité rentabiliser une licence prometteuse. Et par manque de moyens, mais aussi de temps, Silicon Studio aura choisi la solution de facilité. Et pourtant, l’expérience est jouissive au possible. On prend un malin plaisir à (re) visiter Luxendarc, les combats sont toujours aussi magistraux, et même s’ils sont loin d’égaler Bravely Default, la bande-son et le scénario du jeu sont corrects. Et c’est là qu’est fondamentalement le problème : ce jeu souffre d’une comparaison logique, mais dispensable, avec le premier opus. Certains aspects posent soucis et nous pesterons sans vergogne sur ses loupés, alors que Bravely Default faisait un quasi sans fautes sur tout ce qu’il proposait. Mais si nous prenons le titre pour ce qu’il est, en tant que jeu à part entière, le constat est simple : Bravely Second est excellent. Loin d’être culte, certes, mais excellent. Et c’est tout ce qu’on demande à une expérience vidéoludique.