Ubisoft a vu les choses en grand cette année : non pas un, mais deux jeux provenant de sa licence emblématique. Le premier, Assassin’s Creed Unity, chapeauté par l’équipe de Montréal, et le second, Assassin’s Creed Rogue, préparé par les développeurs de Ubisoft Sofia. Si laisser la Révolution Française aux mains de l’équipe principale est un choix judicieux, mettre un épisode à part entière entre les mains d’une autre peut paraître obscur, voire inquiétant. Il est donc légitime de se demander ce que vaut l’opus réservé à nos chères vieilles consoles… Apporte-t-il quelque chose à la franchise? Est-ce une simple mise à jour de Black Flag?
Fiche technique d’Assassin’s Creed Rogue
- Date de sortie : 13 novembre 2014
- Style : Action / Aventure
- Classement ESRB / PEGI : M / PEGI 18
- Développeur : Ubisoft Sofia
- Éditeur : Ubisoft
- Langue d’exploitation : Anglais, français, espagnol et portugais
- Évalué sur PlayStation 3
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Prix lors du test : 50 € (49 Euros sur Amazon France) / 60 $ (60 Dollars sur Amazon Canada)
- Version dématérialisée envoyée par l’éditeur
Passer de l’autre côté
J’étais un Assassin. Aujourd’hui, je les traque, et je détruirai tous ceux qui hier étaient mes frères.
Le jeu se déroule pendant la Guerre des Sept ans, courant XVIIIème siècle, entre la Grande-Bretagne et les Français des colonies d’Amérique du Nord (ce sera plus tard élargi aux États-Unis). Shay Patrick Cormac, alors jeune membre de la Confrérie des Assassins, possède une ambition grandissante et un potentiel hors du commun. Jusqu’au jour où une mission qui lui est confiée se termine de façon dramatique. Désabusé, et ne comprenant pas la volonté de son mentor d’aller plus loin, Shay décide de renier ses frères d’armes, qui finiront par essayer de l’exécuter. Manque de chance pour eux, le renégat a survécu et décide de se venger, aidé par plusieurs templiers.
Trame simple, banale pourrait-on dire. Et pourtant beaucoup plus subtile qu’elle n’y parait, ce qui ne sera pas développé ici pour des raisons de spoilers. Sachez juste que la transformation et l’évolution du personnage sont bien travaillées, avec des motivations compréhensibles et convaincantes. À cela s’ajoute une histoire connectée de près à d’autres visages bien connus de la série (ACIII et ACIV), et des liens intrinsèques avec les opus américains et parisien. Rien que cela. Si Black Flag prêchait par un scénario peu inspiré, peu développé, Rogue se veut plus réussi. La méta-histoire par contre, au passage des locaux d’Abstergo,s’avère mal jaugée et peu intéressante. Les données récupérées ont peu d’importance, mais sont bourrées de clins d’oeil à tous les opus de la franchise.
Rogue explose littéralement les stéréotypes bien contre mal : plus rien n’est certain, il n’y a ni blanc ni noir. La lutte Assassin contre Templier est plus trouble qu’un simple match méchants contre gentils. On regrettera cependant que le jeu ait du mal à se lancer : on mettra en effet 2-3 heures de jeu tout en ayant une impression de déjà vu tant l’esprit du précédent jeu est présent.
Dès que le vent soufflera…
Le côté piraterie, moins imposé que dans Black Flag, est très redondant.
Si vous n’avez pas apprécié les aventures d’Edward Kenway, vous n’allez certainement pas aimer celles-ci, construite exactement de la même façon: un hub maritime, parsemé de ports, de villes et d’îles à découvrir, avec quelques zones de pêche, de chasse et d’exploration. Finie la flore luxuriante des Caraïbes, bienvenue dans l’Atlantique, avec ses icebergs au Nord et ses grandes zones de forêt au Sud, le large des côtes américaines. Chaque lieu a ses propres missions annexes à accomplir : piller des coffres ou trouver leurs plans, résoudre des énigmes aztèques, sauver des prisonniers et autres joies. Enfin, on trouve toujours des défis (à pointages et classements en ligne via Assassin’s Creed Initiates), et les coffres dont on découvre l’emplacement, comme d’habitude avec la synchronisation des points d’observation.
En plus de cela, Shay est toujours capable d’artisanat, d’améliorer le Morrigan (le navire templier), ses équipements ou changer de tenues. Notre personnage peut utiliser multiples armes, lames secrètes, combo épée et dague, pistolets, dagues à corde, ou bombes fumigènes. Le nouveau jouet de notre héros est une carabine à pression (remplaçant la sarbacane, avec des fléchettes soporifiques, furie ou à pétard pour faire diversion) équipée d’un lance-grenade (mortelle, furie ou soporifique).
N’attendez rien de nouveau de cet opus, tout ce qui fait le sel de la série, Assassin’s Creed IV en tête de liste, est présent. Le côté piraterie, moins imposé que dans Black Flag, est très redondant (attaquer les bateaux, délivrer des ports). Petit plus intéressant, on peut maintenant se faire aborder par des vaisseaux adverses. La gestion des flottes avec des zones à couvrir et des frégates à couler sont des mini-jeux toujours aussi passionnants, mais n’amènent rien au contenu, qui reste malgré tout assez conséquent. Finir Assassin’s Creed Rogue à 100 % prendra entre trente et quarante heures, contre douze en ligne droite.
Les bottes de foins, c’est mortel
Ce qui change fondamentalement, ce seront les techniques d’approche et de combat. En effet, vous devrez vous battre contre vos anciens alliés, entraînés comme vous l’étiez, par la doctrine des Assassins. Les développeurs ont pour cela intégré le gameplay du mode multijoueur des anciens opus.
Du coup, vos ennemis aussi pourront exploiter les sauts de la foi, les zones de cachette, les attaques cachées et les sprints rapides pour vous débusquer et vous tuer. Ce qui modifie relativement assez vite votre manière de percevoir votre environnement, et vous oblige à beaucoup plus de prudence. Cela étant, l’IA n’a pas changé d’un iota, et il sera toujours aussi aisé de vous sortir d’une situation périlleuse. De même, le système provenant directement de Black Flag, les seuls changements dans votre pugilat avec l’adversaire ne seront qu’en termes d’animation des personnages, rien d’autre.
Ce type de système est avant tout mis en avant par la capture des QG de gang (même si vous pouvez tomber sur des tueurs de l’ombre à tout moment, en vous promenant par exemple). Concrètement, ces zones correspondent aux espaces de contrôles ennemis des précédents jeux. Exit la synchronisation pour brûler la plus haute tour, il suffira de tuer le Maître Assassin de la zone, décroché le drapeau, et remplir les quelques défis supplémentaires pour mener à bien la reconquête.
La beauté n’est pas le plus important
Assassin’s Creed Rogue reste une très bonne expérience de qualité. Pour autant, l’équipe Ubisoft Sofia a encore du mal avec les finitions.
Concernant la bande-son, il n’y a rien à redire, hormis le fait que certains morceaux sont d’anciens thèmes remixés et qu’elle ne soit pas marquante. Elle fait le travail, sans plus.
Graphiquement, le jeu est à la hauteur de son prédécesseur, même si les décors peuvent paraître moins fournis, dû au manque de végétation par rapport aux Caraïbes. Les environnements sont très détaillés et certains moments magnifiques, notamment une scène somptueuse en Antarctique, ou alors la gestion de la météo, de la mer, des vagues et du vent.
On est malheureusement obligés de reconnaître que la PS3 crache ses derniers atouts assez difficilement. Le framerate est à plusieurs reprises instable, de l’aliasing (peu prononcé) s’affiche régulièrement, des objets apparaissent à tout moment (surtout pendant les cinématiques), l’effet de blur est un peu trop visible… À cela s’ajoutent les soucis techniques habituels : quelques bugs de collision, des membres qui disparaissent dans les textures des bâtiments, les voix anglaises des soldats qui remplacent à plusieurs reprises les voix françaises (aucun souci en VO par contre, de très bonne facture) et autres joyeusetés. Cela n’a cependant en rien entaché l’appréciation globale (j’ai eu droit à tous les soucis techniques possibles et inimaginables sur ACIII, du coup l’aventure de Shay était une promenade de santé à côté). Assassin’s Creed Rogue reste une très bonne expérience de qualité. Pour autant, l’équipe Ubisoft Sofia a encore du mal avec les finitions : nous avions les mêmes soucis sur le portage HD de l’épopée Libération. Il est clair que le soft a encore besoin de quelques mises à jour, d’autant que sur la version testée, aucune voix ne sortait de la bouche des personnages lors des cinématiques, un souci visiblement inexistant sur la version en magasin (UPDATE : Nous avons contacté Ubisoft qui nous a assuré que ce dernier bug était un cas isolé).
Quant au multijoueur compétitif, il est inexistant, le studio ayant fait table rase de cette fonctionnalité pour se concentrer sur la campagne solo. En soi, c’est un mal pour un bien, puisque l’univers global du jeu se prête plus à une aventure coopérative (Unity est un très bon exemple en la matière). En contrepartie, la galette est amputée d’une fonctionnalité présente depuis Brotherhood, sans de réels ajouts pour compenser. Choix fait à tort ou à raison, ce sera au joueur d’en décider.
Conclusion
A-t-on véritablement affaire à un DLC 1.5 de Assassin’s Creed IV? Au vu de la redondance des actions, on pourrait le croire. Le jeu n’apporte pas de plus à la série, et ceux ayant peu ou pas apprécié les traversées extravagantes à bord du Jackdaw le considéreront sûrement comme tel. Enfin, il faudra attendre les prochaines mises à jour ou la version PC du jeu pour espérer une stabilité plus aboutie. Malgré tout, l’histoire et la chasse aux Assassins se révèlent bien pensées. Au point qu’à plusieurs reprises, on comprend que Assassin’s Creed Rogue possède sa propre voie, sa propre identité.