Les jeux à scénarios, ceux qui vous prennent aux tripes et vous embarquent dans une histoire digne des meilleurs séries, films ou romans, parfois au détriment du gameplay, j’adore ça. À tel point que j’en suis venu à penser que je commençais à avoir une vision trop élitiste, délaissant le plaisir du jeu pour le plaisir du spectacle.
Mais ça, c’était avant que je découvre en 2012 la série Trials avec son deuxième opus : Trials Evolution. N’étant pourtant pas un admirateur particulier des « Trials », ces courses d’obstacles à motocross, j’ai été happé par le gameplay à la fois facile à prendre en main, hautement technique et extrêmement addictif de la série.
Ici, pas de scénario, juste des courses d’obstacles souvent absolument improbables (de l’usine qui explose au champ de bataille couvert de bombes) et un plaisir de jeu brut comme on en voit rarement. Autant vous dire que depuis, j’attendais avec la plus grande impatience le 3e opus de la série, Trials Fusion, annoncé sur PS4 et Xbox One au dernier E3.
Un gameplay dans la ligne de Trials Evolution : équilibré, addictif mais aussi jouissif
Revenons d’abord sur le gameplay de la série Trials avant de voir les nouveautés apportées par ce nouvel opus. Les Trials sont bien plus que de simples jeux de courses. Vous devrez bien sûr atteindre l’arrivée et serez chronométrés, mais c’est là que le jeu de course s’arrête et que le jeu de plateforme commence.
Trials, c’est d’abord un moteur physique extraordinaire qui vous oblige à maîtriser en permanence un tas de facteurs : l’équilibre de votre avatar, l’emplacement exact de vos roues, la puissance du moteur, le poids de la moto. Ici, tout est extrêmement sensible et le moindre faux pas envoie votre avatar dans la boue. Le moteur physique rend d’ailleurs certaines gamelles extrêmement drôles.
Des chutes, vous allez en vivre, et beaucoup. Mais ce n’est pas grave, car le dosage de la difficulté et la marge de progression du joueur sont les forces de la série. Vous tomberez de moins en moins souvent, maîtriserez des passages de plus en plus techniques, et ferez rapidement des meilleurs temps.
L’autre atout principal du gameplay concerne son aspect compétitif. En effet, le classement des joueurs prend en compte deux éléments : le nombre de chutes et le temps pour terminer la course. Comparer ses scores avec ses amis, essayer de les battre en maitrisant encore mieux la course, voilà ce qui nous motive quand on joue régulièrement.
J’avais adoré le gameplay précis, compétitif et parfaitement équilibré du second Trials, Trials Evolution. Et j’ai été ravi de voir qu’on retrouve ces qualités quasiment à l’identique dans Trials Fusion.
Les courses folles dans des environnements colorés et (cette fois) futuristes sont bien là. La difficulté est globalement assez bien gérée et l’aspect technique des courses nous oblige à avoir une maîtrise toujours plus importante de notre moto. L’habitué de la série retrouve facilement ses marques, tandis que le novice est pris par la main grâce à quelques petits tutoriaux et des premières courses faciles à gérer. Bref, le gameplay de base de la série Trials est bien présent et après tout, c’est presque tout ce qu’on pourrait demander.
Des nouveautés bienvenues mais pourtant assez anecdotiques…
Mais nouvel opus veut dire nouveautés, et de ce côté-là, Trials Fusion n’en est pas avare. Le seul souci, c’est que la plupart de ces ajouts se révèlent sans grand intérêt ou pas toujours bien conçus.
Prenons d’abord le Quad, le nouveau véhicule. Limité à quelques courses du jeu, il n’est au final qu’une version plus lourde et plus équilibrée des motos. Il est donc bien plus simple à manier, mais vous perdez tout l’intérêt de la maîtrise de votre équilibre et de la puissance de la moto. On finit par ne l’utiliser que dans les quelques courses où il est obligatoire.
Dans le cas des courses FMX, l’idée est meilleure, mais a tendance à devenir anti-fun dès lors que l’on comprend que le système est vicié. Je m’explique. Dans ces quelques courses, l’important n’est pas de finir avec le moins de fautes possibles ou avec le meilleur temps, il s’agit plutôt de réaliser les plus belles figures acrobatiques à grand renfort de tremplins. Plus la figure est dingue (faire des saltos en étant debout sur sa moto par exemple), plus votre multiplicateur grimpe et vous marquez des points.
Le hic, c’est que les développeurs ont gardé le système de gravité de l’avatar pour ce mode au lieu d’opter pour un comportement et des figures précalculés. Vous vous retrouvez donc souvent avec une moto et un avatar qui partent dans tous les sens, et ne pouvez pas réaliser la figure désirée. Ce n’est pas une erreur de maîtrise, mais bien une erreur de développement qui provoque pas mal de frustrations chez le joueur qui s’obstine. Ce mode, que je trouvais pourtant assez fun au début est très vite devenu une plaie à jouer.
La dernière grande nouveauté de ce Trials Fusion concerne sa scénarisation. En effet, contrairement aux autres Trials, vous avez désormais un semblant d’explication à la question : pourquoi mon avatar doit-il subir tout cela ? Vous êtes en fait un rat de laboratoire et toutes ces courses sont des tests que vous subissez sous la supervision de 2 IA qui lanceront vannes sur vannes pendant toutes les courses. Oui, ça fait furieusement penser à Portal 2, en moins drôle. Certaines blagues le sont, mais très franchement, on est rapidement concentré sur la maîtrise de l’engin et on n’écoute plus rien de ce qui se passe autour… Pire, les lignes de dialogues se relancent dès que vous ratez un saut et recommencez à un checkpoint. Au bout du 40e essai, la blague drôle vous donnera envie de vous arracher les cheveux. Heureusement, ces dialogues peuvent être désactivés dans les options. Au final, la scénarisation est franchement inutile et n’apporte rien au jeu, qui n’en avait pas besoin.
J’aurais donc à reprocher au jeu ces ajouts à la recette Trials. Certaines idées sont bonnes, mais mal intégrées, et d’autres sont carrément inutiles, voire néfastes pour l’expérience de jeu. Certes Redlynx Studio a voulu aller au-delà de Trials Evolution, et l’intention est louable, mais c’est parfois contre-productif. Ce n’est malheureusement pas la seule chose qu’on pourra reprocher à Trials Fusion.
Quelques aberrations et mauvais calibrages entachent l’expérience de jeu
Ce qui m’a vraiment gêné avec Trials Fusion, ce ne sont pas tant les petits ajouts qui au final se révèle sans grand intérêt, c’est surtout la découverte de bugs et d’imperfections dont je n’avais pas le souvenir dans Trials Evolution.
Il y a d’abord tous les petits bugs techniques. Nous sommes théoriquement face à un jeu Next Gen. Certes c’est très coloré, assez beau et très fluide, mais à côté de ça on retrouve des aberrations énormes !
La première, vous la verrez en choisissant votre moto dans le menu : ce dernier doit charger pendant 6-7 bonnes secondes avant d’afficher les visuels des motos. Des visuels 3D fixes ! Mais pourquoi ?! Et ce n’est pas tout puisqu’au début de chaque course, on peut admirer plusieurs textures qui apparaissent en retard. C’est particulièrement horrible dans les tutoriaux du jeu ou dans les écrans de télés qui vous montrent la technique pour réussir certains passages délicats, car les textures de ces écrans mettent 2 secondes de plus que les autres à apparaître. Cela donne de belles bouillies de pixels comme dans les photos ci-dessous.
Dans un jeu comme Borderlands, qui souffrait de ce même problème de popping de textures, on l’accepte facilement : avec de grandes zones, beaucoup de monstres, des textures en cell-shading, et un moteur graphique vieillissant, on comprend qu’une console de l’ancienne génération peine à tout faire apparaître. Mais là, dans un jeu Next Gen qui n’a pas tant d’éléments graphiques à gérer, c’est difficilement tolérable.
Certes, ce n’est pas l’intérêt premier du jeu, ce n’est pas bien grave. Cela devient plus gênant quand le gameplay et le level design ne sont pas aussi bien équilibrés que dans Trials Fusion.
Il y a d’abord ces checkpoints souvent très mal placés. On s’aperçoit très rapidement qu’il est parfois bien plus simple de réussir un passage difficile si on le passe du premier coup, que lorsqu’on recommence à partir du checkpoint qui est juste devant. J’ai dû recommencer certains passages des dizaines de fois parce que le checkpoint, censé faciliter la reprise après une chute, était placé trop près du saut et ne me donnait pas assez d’élan. On retrouve ce détail très souvent, ce qui peut considérablement augmenter la difficulté de manière totalement biaisée, et dégouter pas mal de joueurs.
La difficulté justement, parlons-en. Dans Trials Evolution, elle était parfaitement dosée, avec des premières courses très simples et des dernières très techniques. La progression du joueur était parfaite. Si les courses « extrêmes » paraissaient impossibles au début, elles devenaient certes complexes, mais jouables après quelques heures de jeu. Dans Trials Fusion, la progression est globalement la même, la première moitié du jeu étant particulièrement facile si on connaît déjà la série. Le problème concerne toutes les dernières courses. Leur difficulté est horrible, si bien que même en étant expérimenté, et même après une dizaine d’heures de jeu, je n’arrive pas à les terminer. La dernière marche est trop haute et le joueur se heurtera vraiment à un mur qui pourra facilement le dégouter.
Le mode multijoueur de Trials Fusion
Pour terminer, il faut parler du multijoueur. Comme dans tous les Trials, il est assez mauvais. Celui-ci vous amusera une demi-heure, avec des amis qui ne connaissent pas le jeu, car tout le monde va littéralement se vautrer. Il s’agit d’un mode particulièrement mal foutu : les 4 joueurs sont sur le même plan, et celui-ci avance en fonction du premier joueur. Si tu es en retard, tu meurs. En plus de ça, les checkpoints sont ouvertement au désavantage de celui qui ne tombe pas puisqu’ils sont souvent beaucoup trop bien placés (contrairement au solo…). Bref, le multijoueur peut être fun pendant un temps très court, mais vous l’oublierez aussitôt.
Conclusion
Au final, je m’aperçois que je suis assez dur avec ce Trials Fusion. C’est pourtant une très bonne série, que j’adore, mais sur laquelle nous avions probablement trop d’attente après un Trials Evolution quasiment parfait. Ne vous méprenez pas, Trials Fusion reste un très bon jeu que je vous conseille. Cependant, je suis obligé de remarquer que les ajouts à la série ne sont pas extraordinaires, que la technique est loin d’être optimale, et surtout qu’il est probablement moins bien pensé que son prédécesseur. Cela ne l’empêche absolument pas d’être le meilleur jeu Trials, un de ces ovnis vidéoludiques auxquels il faut avoir joué, surtout si vous découvrez la série. Qui aime bien châtie bien, comme on dit !