Adulé par la critique, Bioshock fait partie de ces séries qui m’ont marqué au fer rouge, aussi bien en tant que joueur qu’en tant qu’individu. Loin d’être uniquement le FPS bourrin qu’on pouvait imaginer de prime abord, Bioshock, premier du nom, m’avait fasciné pour sa critique de l’objectivisme d’Ayn Rand, philosophe américaine prônant l’individualisme absolu. Le personnage d’Andrew Ryan, fondateur de Rapture et personnification de l’objectivisme, est d’ailleurs encore à ce jour l’un des personnages les plus charismatiques à mes yeux. Et puis quelle ambiance! Le style Art déco de Rapture en ruine et ces musiques jazzy omniprésentes sont restés pour moi autant d’exemples d’une direction artistique réussie et équilibrée.
Bioshock Infinite, sorti l’an dernier, nous a cette fois emmenés dans les nuages, plus précisément dans la ville volante de Columbia, critiquant par le fait même les fondations de l’Amérique blanche et anglo-saxonne. Moins idéologiquement puissant, son scénario centré sur l’existence de mondes parallèles est pourtant bien mieux écrit et se termine de manière absolument magistrale. Pourtant, même si j’ai adoré Columbia avec ses tons colorés littéralement opposés à ceux de Bioshock, et avec une ambiance encore une fois parfaite, je n’ai jamais caché ma préférence pour Rapture et son utopie sous-marine corrompue.
Et voilà que Ken Levine nous propose un DLC, en deux épisodes, repartant ainsi sur les bases de Bioshock Infinite (d’où la présence d’Elizabeth) et nous offrant également la possibilité de revenir à Rapture juste avant sa déliquescence. Bref, une alliance entre la force idéologique de Bioshock et la finesse scénaristique de Infinite : mon rêve. Inutile de dire que je me suis rué sur Buried at Sea dès sa sortie. Au final, que vaut donc ce fameux DLC? Pourquoi Elizabeth se retrouve-t-elle à Rapture? Pourquoi Booker ne la reconnaît-il pas? Sommes-nous bien face à l’union du meilleur de la saga de Ken Levine? Autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre!
Il est bien sûr plus que fortement conseillé d’avoir terminé Bioshock et Bioshock Infinite pour comprendre toutes les subtilités du scénario, qui est encore une fois parmi les plus complexes.
Bioshock Infinite Burial at Sea : Episode 1 (ou le plaisir de la contemplation)
Ce premier épisode pose l’ambiance dès le début, avec un Booker au fond du trou qui se réveille dans son bureau sombre. Une femme cogne à la porte et demande à le voir. C’est Elizabeth, avec un look très « femme fatale » de films noirs. Celle-ci vient l’embaucher pour retrouver une fillette disparue, Sally, qui est étrangement liée à ce Booker. C’est lorsque vous sortez du bureau de Booker que vous comprenez que vous êtes déjà dans Rapture. Non pas l’utopie déchue de Bioshock, mais celle du 31 décembre 1958, soit la veille du début de la guerre civile qui fera sombrer le rêve d’Andrew Ryan dans le chaos.
Commence alors une séquence très contemplative où nous déambulons dans les rues pleines de vie de Rapture. La séquence peut durer dix minutes si vous la traversez en coup de vent, ou une heure si, comme moi, vous cherchez à visiter chaque recoin et à découvrir tous les indices concernant le fonctionnement de la ville.
Un conseil : prenez le temps de parcourir cette petite partie de la ville de long en large. Le sens du détail de l’équipe de Levine, l’ambiance envoûtante, et le sentiment que tout va basculer dans le chaos… Tout incite à la contemplation. Malheureusement, c’est probablement la meilleure partie de ce premier épisode.
En effet, après une rencontre avec l’un des personnages emblématiques de Rapture, Booker et Elizabeth se retrouvent enfermés dans une partie engloutie de la ville, un centre commercial où les partisans de Frank Fontaine (un opposant d’Andrew Ryan) ont été condamnés. Ce lieu en ruine, ancré au fond de l’océan, est donc la proie des habitants de Rapture ayant succombé à la dépendance à l’Adam, cette drogue qui leur donne leurs pouvoirs.
Ici, l’ambiance est bien plus proche de ce que nous connaissions dans Bioshock, alors que le gameplay rappelle plutôt celui de Bioshock Infinite. On peut donc admirer le début de la fin de la belle architecture Art déco de la ville sous-marine, tout en s’accrochant aux rails (de Columbia) en la sillonnant. Elizabeth peut toujours ouvrir des portails temporels pour faire apparaître des samouraïs, munitions ou autres. Bref, c’est très classique, et ça ne passionne pas vraiment. On a tendance à filer droit au but et on s’aperçoit que la fin nous tombe dessus très rapidement. En effet, dites-vous bien qu’en deux heures, cet épisode est terminé, ce qui est relativement court pour un DLC vendu une quinzaine de dollars ou d’euros!
Côté scénario, comme dans Bioshock Infinite, tout est très mystérieux et on comprend ce qu’il se passe seulement à la fin. On remarque des allusions d’Elizabeth à Columbia par-ci par-là, mais on ne voit pas bien où Levine veut en venir. Qui est ce Booker? Pourquoi est-il à Rapture? Que vient faire Elizabeth avec lui? Pourquoi cherche-t-il cette fillette enlevée?
Autant de questions qui trouvent une réponse assez violente et rapide à la fin de l’épisode. Ce final, plutôt bon, reste du genre de ceux qui vous laissent perplexe devant votre écran. Lors du générique de fin, vous vous direz sûrement « j’ai pas tout compris là… ». Il vous faudra alors soit le refaire, soit (comme beaucoup de gens) regarder l’explication sur Internet pour que tout prenne sens.
Une fin sympathique avec cliffhanger (suspens) qui vous laissera cependant avec encore plus de questions qu’au début du jeu…
Bioshock Infinite Burial at Sea : Episode 2 (ou la belle conclusion d’une trilogie)
Après un premier épisode un peu décevant malgré de bons moments, j’attendais beaucoup de ce deuxième volet pour rehausser un peu le niveau, surtout en ce qui concerne le gameplay.
Cette fois, nous prenons les commandes d’Elizabeth, plus fragile et moins violente qu’un type comme Booker. Ce nouveau facteur apporte un vrai vent de fraîcheur au gameplay des Bioshock puisqu’on introduit la furtivité. Armée d’une arbalète équipée de plusieurs types de carreaux (bruyants, à gaz, somnifères), Elizabeth devra donc se frayer un chemin au milieu des fous furieux qui peuplent cette partie de la ville.
Cet aspect du gameplay change radicalement la façon de jouer à un jeu comme Bioshock. Au lieu de foncer « dans le tas », à coup de plasmide et de fusils à pompe, on se faufile dans les conduits d’aération, on tente de faire le moins de bruit possible et on assomme nos cibles les unes après les autres.
Vous pouvez très bien finir l’épisode sans tuer personne, un fait notable dans une série où le héros laisse toujours une traînée impressionnante de cadavres sur son passage. Vous apprendrez à craindre le contact direct, ce qui apporte un nouveau type de stress et renouvelle un plaisir de jeu que je n’avais pas vraiment ressenti dans le premier épisode.
Quant au scénario, c’est là où j’ai été un peu plus déçu. Dans l’ensemble, pourtant, j’ai vraiment aimé la façon dont cet épisode lie assez habilement les univers de Bioshock et d’Infinite, rendant du coup cohérentes les nombreuses similitudes entre les deux mondes. Il est d’ailleurs fortement conseillé d’avoir joué à Bioshock pour saisir toutes les allusions qui jonchent l’épisode. Ce lien rend d’ailleurs ce Burial at Sea quasi indispensable pour comprendre Infinite encore mieux.
J’ai aussi été déçu par la fin. Pourtant, la montée en puissance et l’écriture géniale de Levine tout au long de l’épisode m’ont tenu en haleine pendant les cinq heures de jeu (plus qu’honorable cette fois!), et j’attendais vraiment une conclusion époustouflante comme celle de Bioshock Infinite. Pendant le générique, je n’ai pas pu m’empêcher de me dire « c’est tout? » et d’aller vérifier sur Internet si je n’avais pas loupé une explication plus folle. Ne vous méprenez pas, on est très clairement face à une qualité d’écriture que l’on voit trop rarement dans les jeux d’aujourd’hui. C’est juste que j’attendais davantage de réponses à certaines questions que je me posais en finissant l’épisode 1. Je m’attendais à plus estomaquant, à ce que ma tête explose tellement c’était génial. Au lieu de ça, nous avons droit à un final qui est juste « très bon » à défaut d’être « excellent ». Est-ce un crime? Sûrement pas.
Conclusion
La saga Bioshock a été une belle aventure. Il s’agit probablement de mes jeux préférés. Ce DLC, malgré un épisode 1 trop classique et un épisode 2 qui joue les ascenseurs émotionnels, est définitivement à faire si vous aimez le style de Ken Levine, les histoires d’univers parallèles et les mondes de Bioshock et Infinite. L’épisode 2 apporte notamment une vraie nouvelle façon de jouer à un Bioshock et lie à merveille les deux univers. Son final, même s’il m’a un peu laissé sur ma faim, reste une superbe conclusion à cette saga.
Alors qu’Irrational Games ferme ses portes, peut-être faut-il y voir ce qui ressemble beaucoup à un adieu de Ken Levine à sa création ainsi qu’une façon de tourner la page.