Matt Stone et Trey Parker ont créé le dessin animé South Park, dont le premier épisode a été diffusé sur les ondes de la chaîne Comedy Central en avril 1997. Drôle et ne reculant devant aucun tabou, la série est une des seules à se moquer des célébrités et du monde moderne sans craindre la critique. Le succès du dessin animé aux États-Unis s’est répandu comme une traînée de poudre, un phénomène particulièrement vrai en France grâce à une localisation des plus réussies. Après le film South Park : Bigger, Longer & Uncut nominé aux Oscars pour sa chanson « Blame Canada », seul le domaine des jeux vidéo demeurait un défi à relever pour les créateurs. Après un FPS bourrin sur Nintendo 64 et un jeu-quiz dénudé d’intérêt sous la forme de Chef’s Luv Shack, sans compter le jeu de course South Park Rally, Let’s Go Tower Defense Play! ou encore Tenorman’s Revenge tous plus mauvais les uns que les autres, aucun titre n’avait suscité autant d’intérêt que le penchant télévisé. Une donnée qui allait changer avec The Stick of Truth, et pour le mieux.
Oh my god! They killed Kenny
Quand Matt Stone et Trey Parker se lancent un défi, vous pouvez parier gros que le résultat net sera à la hauteur de vos espérances, voire au-delà. Les créateurs de la série South Park ont approché le studio de développement Obsidian Entertainment (Fallout, KOTOR) avec une idée précise : créer un véritable jeu vidéo basé sur leur populaire franchise, un produit complexe qui n’aurait rien à voir avec les jeux d’autrefois. Obsidian a été en mesure de concevoir une démo technique qui collait si bien au dessin animé que ses créateurs ont accepté de participer à l’aventure. Ce degré de fidélité entre ce que nous voyons à la télévision et le jeu vidéo était une priorité : vous ne serez donc pas surpris de réaliser à quel point les animations ressemblent à un épisode, seulement interactif. Matt et Trey ont prêté leur voix à tous les personnages masculins et vous retrouverez le même humour grotesque qui a valu sa notoriété à South Park.
La prémisse de The Stick of Truth en est une des plus simples : en tant que nouvel enfant dans le village de South Park, vous devez agrandir votre cercle d’amis grâce à une interface digne de Facebook. Heureusement, votre chemin croise celui de Butters, qui vous informe que son roi Cartman est à la recherche d’aventuriers pour réaliser une quête d’importance capitale : protéger le Bâton de Vérité, un artéfact « légendaire » qui confère à son possesseur le pouvoir de contrôler le temps et l’espace. Comme dans les meilleurs épisodes, le scénario d’abord simpliste prend vite des proportions démesurées alors que le Bâton se révèle beaucoup plus important qu’il ne le parait. Tout au long de l’aventure, les blagues ne cessent jamais : The Stick of Truth est un véritable sac à surprise, tant au niveau de l’histoire que du gameplay.
Dude, this is pretty fucked up right here
Inspirés du succès de Paper Mario, Matt et Trey ont choisi de créer un RPG pour leur premier vrai jeu vidéo, visiblement offusqués par les genres exploités dans le passé où leur participation n’était pas un facteur. The Stick of Truth propose donc des combats classiques au tour par tour, où vous devez appuyer au bon moment sur des boutons d’attaque afin d’infliger des dégâts supplémentaires ou bloquer des attaques ennemies. En début d’aventure, vous devrez choisir parmi une des quatre classes : le guerrier, le magicien, le voleur et le Juif. Selon votre sélection, quelques dialogues sont modifiés en cours de partie et les habiletés varient. En plus de la classe, vous choisirez un partenaire parmi les personnages principaux de South Park, lesquels possèdent tous des attaques et des magies uniques. Par exemple, Butters peut faire appel à son penchant Dr. Chaos ou Cartman peut péter si fort qu’il blesse tous les ennemis devant lui. Oui, South Park est toujours d’un humour noir pipi-caca, mais c’est ce que les fans veulent!
Les combats auraient mérité un peu plus de profondeur. J’ai réalisé n’avoir presque jamais changé de coéquipier et ne m’être guère soucié des statuts adverses. Un des gros problèmes de The Stick of Truth est sa facilité déconcertante : il est aisé d’exploiter les mécaniques et ne jamais vraiment se sentir en danger. Sur ce point, j’aimerais ajouter que les potions de vitesse qui permettent d’attaquer deux fois plutôt qu’une dans un seul tour sont tout simplement trop puissantes. Je crois que leur usage aurait dû être limité à une par combat. En somme, l’expérience m’a semblé peu balancée.
Oh. I never should have shoved all those poor animals up my ass
Là où The Stick of Truth frappe fort, c’est tout le reste. L’attention aux détails, la montagne de références aux épisodes dans les décors, la musique inspirante, l’animation, le scénario, la liste s’éternise. La plupart des personnages les plus importants font au moins une apparition dans le jeu au grand plaisir des fans. Impossible pour eux de ne pas se réjouir par tant de détails à tous les détours. Ouvrez une garde-robe au hasard et découvrez de multiples références à des épisodes, par exemple le robot Awesom-o vu dans l’épisode 116. Les clins d’œil sont très nombreux et prennent aussi la forme d’objets récupérés sur les ennemis ou trouvés dans des coffres et autres éléments du décor. Ne soyez pas surpris de mettre la main sur des godemichets dans la chambre à coucher de la mère de Cartman ou même d’en équiper un pour combattre!
Explorer la ville de South Park – pour la première fois dessinée sur une carte – est une sensation que tout fan de la série se doit de vivre. Les environnements sont recréés comme dans le dessin animé, on s’y croit vraiment. Obsidian a réalisé un travail colossal, appuyé du studio officiel de South Park en matière d’animation. Seul petit bémol : l’image est quelque peu saccadée lorsqu’on bouge dans l’environnement, un phénomène qui ne semble toucher que les versions consoles. Je reproche aussi les temps de chargement entre les différentes zones : à mon avis, Obsidian aurait pu limiter ces écrans. Les plus chialeurs pourraient aussi pointer du doigt le matériel recyclé d’une maison à une autre, mais il était impossible de créer autant d’environnements sans passer par quelques répétitions.
You little turds, you ruined my life for the last time
South Park : The Stick of Truth est un hommage incroyable à un dessin animé de longue date. Malgré quelques fautes techniques et un défi peu relevé, le jeu est un incontournable non seulement pour les fans de la série, mais aussi pour les autres. Drôle, original, moqueur, on ne s’ennuie pas avec un scénario issu de l’imaginaire tordu signé Matt Stone et Trey Parker. Les nombreuses options de personnalisation du héros, les dialogues percutants, les gags qui n’en finissent plus, la possibilité d’interagir avec ses personnages favoris, tout cela est possible dans The Stick of Truth. Je dois cependant ajouter une mise en garde : le jeu est relativement court pour un RPG, soit environ 12 heures. Toutefois, en prenant compte que cela représente bien plus d’une saison entière de South Park et que l’aventure ne tourne jamais en rond (aucun grind ou moment ennuyant), je n’ai pas été choqué par une aventure aussi « éphémère ». De plus, il vaut la peine de recommencer avec une autre classe, ne serait-ce que pour entendre les commentaires de Cartman au sujet du Juif!