S’il y a bien un jeu dont je n’attendais rien cette année, c’était sans aucun doute Wolfenstein: The New Order, édité par Bethesda Softwork, et réalisé par MachineGames, un studio composé d’anciens membres de StarBreeze (The Darkness, Les Chroniques de Riddick, Brothers A Tale of Two Sons). Les différents aperçus que l’on pouvait lire un peu partout sur la toile n’étaient pas très enthousiastes. Pour ma part je pensais que le jeu serait trop classique pour se démarquer de la concurrence. Je me suis finalement décidé à l’acheter sur PlayStation 4. Les premières minutes du jeu ne me paraissent pas très convaincantes, et puis, le jeu démarre vraiment. Un nouveau sentiment m’envahit, celui de la nostalgie. Wolfenstein: The New Order m’a permis de retrouver des sensations de jeu que je n’avais pas eues depuis bien longtemps dans un first person shooter, et selon moi c’est bien là sa principale force.
Le FPS Old School est de retour
Dans Wolfenstein: The New Order, vous incarnez le capitaine B.J Blazkowicz au cœur d’une uchronie où les nazis ont remporté la Seconde Guerre mondiale. Suite à une opération ayant mal tourné, Blazkowicz se retrouve dans un coma dont il sortira 14 ans plus tard, en 1960. L’heure de la vengeance a sonné pour lui.
Ce nouveau Wolfenstein est bel et bien classique d’une certaine façon, mais dans le bon sens du terme. Ne vous attendez pas à retrouver un FPS composé d’explosions, de couloirs et d’effets hollywoodiens à outrance. Non, Wolfenstein: The New Order fait resurgir d’outre-tombe des mécaniques de FPS old-shool, pour notre plus grand bonheur.
Le gameplay repose sur des bases établies il y a bien longtemps par les ténors du genre. Vous arpentez des niveaux et devrez arriver au bout en vous débarrassant de tous les ennemis qui traînent. Pour cela, Blazkowicz dispose d’un arsenal assez conséquent : pistolets, fusils à pompe, fusils d’assaut, grenades, couteaux, etc. Toutes les armes disposent d’un tir secondaire : un silencieux pour le pistolet, par exemple, ou encore un lance-grenade pour le fusil d’assaut. Mais ce n’est pas tout, chaque arme pourra être utilisée par deux! Au final, Wolfenstein dispose d’un grand nombre de configuration d’armes possibles et c’est une de ses nombreuses forces.
Chaque arme offre des sensations différentes manette en mains et il faudra jongler entre elles pour vous sortir de situations pas toujours évidentes, surtout en mode de difficulté über (celle que je recommande). Jouer à Wolfenstein: The New Order c’est aussi l’occasion de renouer contact avec des amis perdus depuis longtemps : les trousses de soins et l’armure. Pas la peine de vous cacher derrière un mur en attendant que votre santé se régénère, ça ne fonctionne pas comme ça, sauf pour les 20 premiers points de vie. Pour le reste, il vous faudra récupérer des objets de soins et des pièces d’armures pour augmenter votre défense.
L’intelligence artificielle des ennemis est assez correct et certains passages vous mettront à l’épreuve, tout du moins dans la partie action. En effet, The New Order dispose d’une dimension infiltration assez sommaire mais diablement efficace pour diversifier et ajouter du dynamisme à l’ensemble du jeu. Vous aurez très souvent la possibilité d’aborder chaque situation d’une manière discrète. Le jeu encourage même cette méthode par la présence des commandants. Ces derniers possèdent une radio qui leur permet d’appeler des renforts en cas de besoin. Pour revenir à l’intelligence artificielle des ennemis, celle-ci se montre bien moins convaincante lors de ces phases d’infiltration. Les ennemis peinent à vous repérer et ont un champ de vision assez limité.
La construction des niveaux (level design) est plutôt bien pensé, le jeu encourage et récompense l’exploration. De nombreux secrets et trésors sont cachés dans les niveaux, en plus des classiques objets de soins et d’armures. Les niveaux proposent des environnements variés, chacun ayant sa propre ambiance: Château médiéval, hôpital, musée, base secrète, etc. Les niveaux proposent également des chemins alternatifs et des passages secrets que vous ne pourrez découvrir qu’en terminant le jeu deux fois. J’y reviendrai un peu plus tard.
Je me souviens avoir vu certaines critiques reprocher à ce nouvel épisode de ne pas proposer de mode multijoueur. Pour moi, c’est un des gros points fort du jeu, ce n’est clairement pas un manque! Il est vrai que de nos jours, FPS rime souvent avec multijoueur, mais cela n’a pas toujours été le cas. Pourquoi un jeu de tir à la première personne devrait obligatoirement contenir une composante multi? Wolfenstein: The New Order est une expérience qui se savoure en solo, nul besoin d’ajouter un mode multi qui aurait pu avoir des répercussions sur le développement du jeu. Je pense que ce n’est pas parce que les représentant mainstream du genre (Call of Duty et Battlefield) disposent d’une composante multijoueur compétitive importante, qu’il faut que tous les titres se rapprochant de près ou de loin à eux doivent copier leur modèle. Nous avons rarement l’occasion de mettre la main sur un FPS aussi bien construit et solide, il faut savoir l’apprécier et le mettre en avant.
Habituellement, la durée de vie d’un FPS en mode histoire est d’environ sept ou huit heures (et encore…). Ce qui est compréhensible quand on voit la construction scénaristique et rythmique de ces jeux. En mettant de côté une partie de cette représentation hollywoodienne des FPS, MachineGames permet à Wolfenstein de poser son histoire, de la développer et d’augmenter sa durée de vie. Lors de ma première partie, j’ai pu terminer le jeu en presque vingt heures (en mode de difficulté maximal) : une durée bien au-dessus de la moyenne. Cependant, celle-ci est encore plus grande, vers la fin du premier niveau, vous devrez prendre un choix qui influencera une partie du déroulement du jeu. Vous pourrez donc jouer à Wolfenstein deux fois en ayant une expérience un peu différente!
Entre sérieux et clichés
Comme je l’ai dit plus haut, The New Order prend place dans une uchronie. Dans une fiction, il s’agit de réécrire une partie de l’Histoire à partir de la modification d’un événement passé. Pour Wolfenstein, l’Allemagne nazi a pu mettre la main sur des technologies très avancées pour l’époque (et aussi pour la nôtre sur certains aspects), ce qui lui as permis de remporter la victoire. Elle domine désormais l’ordre mondial et Blazkowicz se retrouve au cœur de ce nouveau monde après 14 années passées dans un état léthargique. C’est au moment où les nazis emportent la femme, Anya, ayant pris soin de lui pendant ces années que notre héros se réveille d’un long sommeil pour sauver sa bienfaitrice et prendre sa revanche. B.J va alors devoir trouver la résistance et riposter afin de vaincre son ennemi de toujours, un général nazi surnommé Le Boucher. Cet univers est rafraichissant pour la série et je dois avouer que j’y ai plongé avec grand plaisir.
Le jeu dispose d’une galerie de personnages complètements déjantés et curieusement attachants. Chacun dispose d’une personnalité propre, d’une histoire, d’un caractère. Ils répondent à certains clichés mais le studio a su les utiliser avec justesse. Mention spéciale pour deux personnages, chacun se trouvant dans un des scenarii possible. Les relations entre les personnages sont également bien écrite, notamment entre Blazkowicz et Wyatt/Fergus, mais aussi entre notre héros et Anya. La palme de la folie revient sans conteste aux principaux ennemis mazis, tellement aveuglés et immergés dans leur idéologie qu’ils en perdent leur humanité.
Sûrement l’une des scènes les plus marquantes du jeu
La narration du jeu ainsi que sa mise en scène sont plutôt solides! L’histoire évolue à un rythme agréable et le studio a su développer ses personnages d’une manière qui ne nuit pas au déroulement du récit. Je pense notamment à une séquence sous-marine où nous entendons les pensées de Blazkowicz sur son enfance. Aucun effet de mise en scène n’est surexploité, et certaines séquences font preuve d’une écriture assez habile pour être soulignée (toute la séquence du train). MachineGames a su réaliser une mise en scène cinématographique (et non pas hollywoodienne) efficace qui se répète rarement (voire jamais). Certains mouvements de caméra sont en osmose avec la scène pour un résultat de grande qualité, tout comme certains panoramas qui nous immergent dans cette terrible uchronie.
L’histoire de Wolfenstein: The New Order est solide et sait habillement jonger entre les clichés qu’elles utilisent et ce ton sérieux. C’est un équilibre qui est délicat à trouver mais les équipes de MachineGames ont su parfaitement relever le défi. Le scénario du titre ne rentrera certainement pas au panthéon des meilleurs scenarii de jeux vidéo, mais il a le mérite d’avoir trouvé cet équilibre. Je mettrai peut-être un petit bémol à la fin du jeu que je trouve un peu expédié, ce qui est assez dommage. Néanmoins, cette conclusion laisse présager un second épisode qu’on espère, si suite si il y a, tout aussi plaisant.
Direction artistique et technique solide
Avant de terminer cette critique, il me faut parler de la direction artistique du jeu que j’ai trouvé particulièrement maîtrisée. The New Order offre un style rétro-futuriste. L’histoire prend place dans le passé, cependant la technologie est beaucoup plus évoluée sur certains points. Il s’agit de l’alliance du visuel rétro et de technologies futuristes. Et même ces technologies futuristes ont un look assez rétro. Ces éléments sont assez « grossiers », anguleux, bien loin d’un style épuré et tout en courbes que l’on peut voir dans beaucoup d’œuvres de science-fiction moderne. J’ai eu le sentiment d’être en face d’une technologie avancée mais encore grossière, comme si elle n’avait pas encore été affinée. Ce style correspond parfaitement à l’identité du jeu et démarque ce Wolfenstein de ces prédécesseurs.
La partie graphique est également très solide puisqu’elle utilise le moteur Id Tech 5, déjà employé sur Rage. Le jeu n’appartient pas à proprement parler à la nouvelle génération, puisqu’il est disponible sur toutes les machines (sauf la Wii U…), mais la version PlayStation 4 offre un confort graphique certain qui est rarement mis en défaut. Je regrette un léger retard d’affichage des textures, mais ce petit soucis technique est assez rare sur l’ensemble du jeu.
La bande-son n’est également pas en reste. Très orientée métal, celle-ci colle parfaitement au jeu et s’autorise même quelques morceaux de guitare acoustique eu milieu de ces accords « métalleux ». Mais là où Wolfenstein fait le plus plaisir c’est quand il réinterprète certains grands morceaux de l’histoire de la musique comme House of the Rising Sun, du groupe Animals. Les bruitages et les doublages sont de qualité, mention spéciale pour la version française qui n’a pas à rougir face à la version originale.
Wolfenstein: The New Order est certainement ma plus belle surprise de l’année. Le jeu a su chercher dans le passé les éléments qui lui permettent de rendre hommage au genre que la série a elle-même popularisé. Classique avec un grand C dans ses mécaniques de jeu, mais disposant d’une identité qui lui est propre, le titre de MachineGames réussit à imposer son style et son rythme. Bien que le scénario ne soit pas d’une grande originalité, sa mise en scène et sa narration renforcent le sentiment que le jeu a été réalisé par une équipe de passionnés. Bethesda et MachineGames ont remis la série sur le devant de la scène d’une bien belle manière et j’espère maintenant l’annonce officielle d’une suite.